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les plus compétens que je suis heureux de remercier ici, à une enquête à l’effet de découvrir le document sensationnel qui contiendrait, à en juger par la rédaction de la note, une preuve indiscutable de la culpabilité de Marie-Antoinette. Or, jusqu’à ce jour, les recherches les plus actives et les plus minutieuses n’ont pu le faire découvrir et les personnes qui les ont faites inclinent de plus en plus à croire qu’il n’existe pas. Nous n’en avons pas moins la preuve que « la mémoire sacrée » compte encore des ennemis qui ne sont pas prêts à déposer les armes.

Le volume de M. de Heidenstam vient tout à point pour rendre vaines leurs calomnies et pour démontrer, grâce aux lettres de Fersen à sa sœur, que les relations de la Reine avec Fersen sont restées pures. Pendant que Marie-Antoinette, durant les six derniers mois de l’année 1791, correspondait avec Barnave, le comte de Fersen était à Bruxelles où il s’était réfugié après la tentative de Varennes, et de là, il veillait sur la famille royale autant qu’il le pouvait. En même temps, il s’efforçait d’intéresser les Cours étrangères au sort des malheureux souverains, il écrivait à la Reine, la tenait au courant de ses efforts, la conseillait, lui prêchait le courage. Il ignorait les relations qui s’étaient nouées entre elle et Barnave ; convaincu qu’on ne devait rien attendre de bon des maîtres du jour, il pensait que la famille royale n’avait d’autre moyen de salut qu’une fuite nouvelle qui réussirait mieux que la première.

Il avait cru d’abord à la possibilité de recourir à un Congrès, d’où la monarchie constitutionnelle sortirait consolidée par la reconnaissance de toutes les puissances de l’Europe. Puis ce projet avait été abandonné et, l’impossibilité de la fuite étant démontrée, il n’espérait plus que dans une intervention armée de ces mêmes puissances. Au commencement de 1792, il écrivait à son amie : « Il faut absolument vous tirer de l’état où vous êtes et il n’y a plus que les moyens violens qui puissent vous en tirer. » Mais ces moyens n’étaient pas encore trouvés et, au commencement de 1792, Fersen considérait comme nécessaire d’aller à Paris pour en entretenir les souverains prisonniers dans leur palais. La Reine s’oppose d’abord à ce voyage. Elle a peur pour la vie de celui qu’elle aime. En outre, s’il était reconnu, sa présence ferait croire à une nouvelle tentative de fuite. Mais Fersen insiste ; il affirme qu’il traversera la France comme courrier du Roi de Suède, envoyé en Portugal, et qu’il se