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dans Lille. Elle ne restait pas inactive, et, par ces marches, entrecoupées de petits combats, son chef voulait tout d’abord l’aguerrir.

Mais Napoléon s’impatiente et, comme si Maison disposait de forces suffisantes, il lui fait réitérer ses ordres par le ministre, en les précisant ainsi : « L’Empereur me charge de vous faire connaître que son intention est que vous réunissiez des détachemens de toutes les garnisons de Flandre et que vous marchiez sur Anvers, que vous réunissiez également une partie de la garnison d’Anvers et que vous repreniez l’offensive. Sa Majesté voit avec peine que, au lieu de rassembler 15 à 18 000 hommes qui doivent être dans les garnisons du Nord pour agir contre l’ennemi et le rejeter dans la Hollande, vous vous êtes enfermé dans les places, et que vous laissez l’ennemi maître de toute la Belgique[1]. » Et, sans tenir compte des justes observations que Maison lui a soumises, sans sembler admettre que l’armée de Bulow se trouve remplacée en Belgique par d’autres troupes, Clarke renouvelle ainsi ses ordres d’un ton plus impératif : « L’intention de l’Empereur est que, douze heures après la réception du présent ordre, votre quartier général soit établi à plusieurs lieues en avant de la position que vous occupez actuellement ; que, si vous vous disposez à marcher sur Anvers, vous devez réunir à vos forces tout ce qui se trouve dans les petites garnisons des places de Flandre et que vous ramassiez ainsi facilement une armée de 15 000 hommes, avec laquelle vous pourrez vous porter sur les derrières de l’ennemi et l’inquiéter, de manière à lui faire craindre que sa retraite sur la Hollande ne se trouve coupée[2]. » A lire ces lignes, il semble vraiment que, « à force d’en parler et d’en mentir à Paris, on avait fini par croire que l’armée du Nord existait[3]. »

Maison n’avait pas attendu l’arrivée de cette seconde missive pour justifier sa conduite avec dignité : « Veuillez faire remarquer à l’Empereur, mandait-il au ministre, que je ne pourrai, en retirant tout ce qui est dans les places, n’y laissant rien absolument, rassembler la moitié de ce que vous dites que je dois réunir. Ce n’est pas sur de faux calculs ou des suppositions qu’on peut appuyer une opération de guerre. Je vois avec bien

  1. Le ministre à Maison, 22 février 1814. — Archives historiques de la Guerre.
  2. Le ministre à Maison, 23 février 1814. — Archives historiques de la Guerre.
  3. Mémoires du comte Beugnot, p. 418.