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voter par la Chambre une disposition qui élève de 600 à 800 millions le chiffre des bons du Trésor qu’il est autorisé à créer pour le service de la Trésorerie et les négociations avec la Banque de France : et la Chambre, qui se livre si souvent à de si vains bavardages, a voté ce chiffre sans le discuter ! C’est, il est vrai, une simple faculté qui est donnée au ministre et, en d’autres circonstances, on pourrait espérer qu’il n’en userait pas jusqu’à épuisement. Aujourd’hui, comment le-croire ? Les nouveaux impôts ne devant être votés qu’à une date lointaine, M. Caillaux a annoncé que l’emprunt ne serait émis qu’après ce vote. C’est le renvoyer aux calendes grecques. Quel en sera d’ailleurs le chiffre ? Nul ne le sait encore, pas même M. Caillaux sans doute. Il s’est contenté de dire que les dépenses militaires auxquelles il doit pourvoir étaient plus élevées que ne l’avait cru l’ancien Cabinet, et le fait est d’autant plus certain que M. Caillaux y joint les dépenses du compte spécial de la Marine. Et quel sera le type adopté pour l’emprunt ? M. Caillaux abandonne celui qu’avait choisi son prédécesseur : rente 3 p. 100 perpétuelle ; il préfère une rente amortissable en vingt ans. Il a peut-être raison, mais que de questions se dressent au seuil de l’année nouvelle ! Comment ne pas en trembler ? Tant de perspectives incertaines, obscures, inquiétantes, ne sont pas faites pour améliorer la crise économique qui pèse déjà si lourdement sur nous.

Nous avons dit que M. Caillaux avait renvoyé à plus tard l’emprunt que le ministère Barthou voulait faire tout de suite. Cette résolution n’affectera pas seulement notre politique intérieure, elle intéresse aussi notre politique extérieure. On sait que tous les pays balkaniques, y compris la Porte ottomane, ont grand besoin d’argent, et que nous sommes mieux à même que personne de leur en prêter dans des conditions rémunératrices pour nous et avantageuses pour eux. La Chambre cependant s’est préoccupée de l’ordre à mettre dans ces emprunts et elle a voté une motion en vertu de laquelle le gouvernement ne peut pas autoriser des emprunts étrangers avant que nous ayons fait notre emprunt national. Le Cabinet Barthou, sans attendre d’y être convié par un vote parlementaire, avait pris spontanément une résolution analogue ; il l’avait même notifiée aux gouvernemens intéressés, qui l’avaient acceptée ; mais, comme il se proposait de faire l’emprunt français immédiatement, le retard pour les autres devait être très court et dès lors sans inconvénient. Il n’en est plus de même aujourd’hui, puisqu’on ne sait plus à quel moment M. Caillaux fera notre emprunt. La règle que lui a imposée