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noble et vrai ; M. Honnorat, tout rompu aux choses de l’administration, bien à l’aise dans l’atmosphère de la Chambre, rapide à feuilleter les recueils de documens parlementaires et à les enrichir de propositions nouvelles, d’amendemens et de sous-amendemens : l’un et l’autre représentans de régions (la Corse et les Basses-Alpes) où les églises sont les plus malheureuses.

Nous avons bien des fois examiné la question en devisant sur les banquettes de la Chambre. M. Landry possède un sentiment très vif du péril de nos sanctuaires et de leur grandeur morale. Quant à M. Honnorat, il voit dans leur écroulement une conséquence de l’exode irrésistible des campagnes et ne serait pas éloigné de penser que c’est une fatalité, ce qui lui permettrait de soulager de cette responsabilité la loi de Séparation.

— C’est un grand problème, lui disais-je, que celui du déracinement de nos populations rurales, et c’est une belle occasion pour que vous me disiez vos vues générales ; mais nous sommes en présence d’un mal bien déterminé, l’écroulement des clochers de France. Qui chargez-vous de les réparer ?

M. Landry, je crois, serait homme à suivre mon sentiment et à faire face franchement au péril ; M. Honnorat, lui, admirablement doué pour la procédure, sensible jusqu’à l’excès au plaisir des amendemens, des sous-amendemens, des projets, des contre-projets, où il excelle, veut doser son remède aux capacités du parlement et se croirait déshonoré s’il proposait à ses collègues (comme il juge que je le fais) plus qu’ils n’en peuvent avaler. Je le soupçonne, d’ailleurs, de n’avoir guère plus d’estomac que les camarades qu’il ménage.

Après des semaines que nous discutons, je ne suis pas arrivé à les convaincre de l’inanité de leurs moyens. C’est en vain que sur tous les tons je leur ai dit : « Vos deux caisses, où d’ailleurs, en dépit des promesses formelles de Briand et des projets de Caillaux et Clemenceau, vous n’osez pas mettre un sou de l’État, ne règlent aucun des problèmes posés. J’ai prouvé que l’administration des Beaux-Arts est impuissante à faire classer de nombreux édifices de premier ordre et que les catholiques n’obtiennent pas de secourir, fût-ce avec leurs propres deniers, les églises ; vous ne supprimez pas ce double scandale. Avec votre système, l’épicier de Bornel continuera de s’opposer au classement de son église, et tous les conseils municipaux