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Enfin, il y a une troisième objection contre cette caisse à laquelle de l’argent aura été donné sans condition ou avec attribution spéciale aux églises rurales pauvres ; il y a une troisième objection, mais celle-ci formidable : comment sera distribué cet argent ?

Je prie mes collègues et le Gouvernement de ne pas se froisser, mais c’est, une fois encore, un instrument de règne que vous voulez créer. (Très bien ! très bien ! au centre et à droite.)

Cet argent sera distribué comment ? Vous me répondrez : « Avec la meilleure volonté, avec toute la droiture possible, en n’examinant que l’intérêt des églises. » Ah ! elles sont innombrables, les petites églises de village en péril, et je vous dis, moi, en simplifiant les choses, — parce que nous sommes pressés et que la vérité se dit aisément en peu de mots, — je vous dis : cet argent sera nécessairement distribué, quel que soit le ministère, aux communes votant selon les vues du Gouvernement. (Exclamations à gauche. — Très bien ! très bien ! à droite.)

Il est impossible, étant données les conditions du régime, que ce trésor des églises de France, constitué surtout par l’argent des catholiques et puis de quelques artistes et patriotes attachés à la physionomie de la terre française ; il est impossible que ce trésor ne soit pas distribué selon les désirs de ceux qui font partie de la majorité. Tenez, j’en causais, il y a peu de temps, avec un de nos collègues, avec un des signataires de la proposition Landry-Honnorat, et je lui disais mon objection qui est très importante, celle-là même que je viens de vous exposer, à savoir que vous ne réglez pas de quelle manière s’établira le rapport entre les églises en souffrance et votre caisse. « Nécessairement, lui disais-je, les subventions iront aux députés de la majorité, à leurs cliens. » Il me répondit : — « Vous n’avez guère confiance dans vos idées, monsieur Barrès. » — Et pourquoi donc ? mon cher collègue. — Parce que, si vous aviez confiance dans vos idées, vous espéreriez avoir un jour le pouvoir et alors vous auriez la caisse… » (On rit.)

Moi, je travaille pour le bien des églises. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas que soient entretenues les églises des circonscriptions qui votent bien ; ce qui m’intéresse, c’est que la physionomie artistique, morale, spirituelle de notre terre de France soit maintenue, respectée, encore améliorée. (Applaudissemens.) La très belle conversation que je vous rappelle est pour moi