Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 19.djvu/310

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bonaparte, Axel de Fersen, aide de camp de Rochambeau, qui devait organiser la fuite à Varennes et mourir massacré dans son pays, notes, cartes et dessins du baron Cromot-Dubourg, autre aide de camp, journal aussi, parmi beaucoup d’autres, de modeste commissaire des guerres comme Blanchard, qui donne une note à part, voit ce que d’autres ne voient pas et dont le ton de subalterne contraste avec la superbe des seigneurs ses compagnons.

De page en page, en tournant les feuillets, on voit paraître, sans parler de La Fayette, Kosciusko et des premiers enthousiastes, bien des noms qui commençaient à peine à sortir de l’ombre et dont plusieurs n’y sont plus jamais rentrés : Berthier, La Pérouse, La Touche-Tréville, les frères Lameth, Bougainville, Custine, le Bouillé de la fuite à Varennes, le La Clochetterie du combat de la Belle-Poule, le Duportail, qui serait ministre de la Guerre sous la Constituante, Saint-Simon, qui n’était pas encore saint-simonien, Suffren, sur l’escadre de qui naviguait le futur directeur Barras, alors officier au régiment de Pondichéry. Toute la France était vraiment représentée, un peu celle du passé, beaucoup celle de l’avenir.

Quantité de ces journaux ont été imprimés (celui de Cromot-Dubourg seulement en traduction anglaise), d’autres sont perdus ; plusieurs demeurent inédits, si bien qu’après tout ce qui a déjà paru et tant d’excellens travaux, il demeure possible de refaire, en suivant, pour partie, de nouveaux guides et en utilisant de nouveaux documens, le grand voyage qui mena nos compatriotes de Brest à Newport et de Newport à Yorktown. La masse des papiers de Rochambeau, qui n’ont été que partiellement utilisés, sont conservés à la Bibliothèque du Congrès à Washington ; le journal inédit dont la même bibliothèque possède une copie, tenu par l’aide de camp, Louis, baron de Closen, excellent observateur, gai, brave cœur, d’une bonne humeur qui grandit quand les désagrémens s’accroissent, donne une note juvénile en contraste avec la dignité sereine des rapports et des mémoires de ses chefs ; de curieux renseignemens sont fournis encore par plusieurs lettres, inédites aussi, écrites par Washington[1] de sa magistrale écriture, régulière et sans ratures, d’homme tranquille, aux nerfs calmes, à la

  1. Quelques-unes avec l’adresse conservée : « On public service. — To His Excellency Covnt de Rochambeau, Williamsburg, Virginia. »