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Les « ordres avant le débarquement, » rédigés par Rochambeau à bord du Duc-de-Bourgogne et dont il fit porter copie aux chefs des différens corps, étaient clairs et péremptoires : « Le corps de troupes que Sa Majesté envoie en Amérique est auxiliaire des États-Unis ses alliés, et aux ordres du général Washington. On lui rendra les honneurs de maréchal de France ainsi qu’au Président du Congrès, » ce qui évitait toute querelle de préséance, personne dans l’armée ou la flotte n’ayant rang pareil. « À grade et ancienneté égale, l’officier des États-Unis prendra le commandement… Les troupes du Roi céderont dans tous les cas la droite et le pas aux troupes alliées ; les troupes françaises ajouteront à leurs cocardes du noir qui est la couleur des États-Unis de l’Amérique ; » et l’on voit en effet dans les musées, celui de Fraunces’ tavern[1] par exemple, de vieux chapeaux d’alors aux cocardes blanches et noires. « L’intention de Sa Majesté est qu’il y ait un concert et une harmonie parfaite entre les généraux et les officiers des deux nations. On observera la discipline la plus sévère et la plus exacte à tous égards… Il est défendu de prendre un morceau de bois, une botte de paille, aucune espèce de légumes, que de gré à gré et en payant… Toutes fautes de mutinerie, de désobéissance, d’insubordination, de mauvaise volonté, d’ivrognerie brutale et carillonneuse… seront punies selon les ordonnances de coups de plat de sabre. » Même les « fautes légères de malpropreté, d’étourderie » seront punies. « Pour rendre la peine plus sensible au soldat français, il ne fera point de service pendant sa détention. »

L’armée, mais non la flotte, était aux ordres de Washington. Les instructions de Ternay spécifiaient, toutefois, que son escadre n’était pas directement placée sous le commandement du général américain, mais qu’il devrait aller « au-devant de tout ce qui pourrait faciliter les opérations des États-Unis » et prêter les bâtimens de notre flotte « dans toutes les occasions où leur secours serait réclamé. » On était certainement parti de bon cœur, avec le désir de ne pas offusquer, mais bien d’aider de toutes ses forces.

  1. A New York ; c’est là que Washington prit congé de ses officiers après la guerre. La taverne portait le nom de son propriétaire, un Français des Antilles, Samuel Fraunces (Francis ou François ? ), mulâtre probablement, et surnommé « Black Sam » pour la couleur de sa peau.