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plusieurs professeurs du gymnase hellénique de Chio. Ces honnêtes universitaires en redingote noire avaient leur place marquée ici, tout près des brillans officiers de la marine royale. Ne sont-ils pas les propagateurs obstinés de l’idée nationale, les infatigables ouvriers du rêve séculaire qui, sous nos yeux, se réalise en un spectacle que les plus audacieux défenseurs des revendications helléniques et chrétiennes n’auraient pas osé prévoir ? Les maîtres de la jeunesse ont ainsi préparé la voie aux chefs des armées. L’intelligence hellène, longtemps accablée par la brutalité du fait accompli, désignait, par un geste invisible, la route future des vaisseaux libérateurs.

Tandis que ces pensées me sont suggérées par la satisfaction des sourires épanouis et par l’entrain des conversations joyeuses, voici que, sous les fenêtres de l’évêché, sur la place qui s’étend devant la basilique, le peuple assemblé s’impatiente Le moment est venu de retraverser la foule, pour aller à la démarchie (hôtel de ville) où l’amiral est attendu. Mgr Hiéronyme se lève, et se met en marche, s’appuyant sur son bâton pastoral, en tête de la procession. Combien j’aimerais à connaître le nom de la gracieuse fillette au visage de figurine qui m’a donné un bouquet composé de fleurs rouges, blanches et bleues, résumant ainsi dans une offrande fleurie les trois couleurs du drapeau français. Je remarque, en passant, l’extrême jeunesse et l’air énergique des institutrices qui ont mobilisé cette troupe de belles enfans, vêtues comme des demoiselles d’Occident, ces écolières au teint mat, aux yeux de jais, aux magnifiques cheveux tressés en longues nattes, roulés en torsades ou épars en boucles sombres sur la blancheur des collerettes candides. Un splendide rayonnement de soleil, répandu sur la terre et sur les eaux, sous la vaste coupole du ciel bleu, avive cette ravissante vision d’une race renouvelée, ardemment désireuse de recommencer à vivre en ce lieu assombri naguère par la hantise de la plus horrible mort. Les garçonnets des écoles sont alignés par rangs et par files, en bataille, sous la conduite des instituteurs et des sous-maîtres. Ils font le salut militaire et poussent des acclamations : Zitó,… Zitó… Quelques-uns de ces petits insulaires ont des voix suraiguës et perçantes, dont le son pénètre dans les oreilles à la façon d’une vrille. Mais toutes ces gentilles frimousses de bambins éveillés font plaisir à voir.

Halte à la nouvelle démarchie, qui servait autrefois de