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familiale du travail agricole, et il n’est pas de source plus dangereuse de découragement pour la natalité paysanne.


II

L’échec de la culture morale s’explique par une foule de causes dont beaucoup sont étrangères à l’école.

L’éducateur a plus d’une fois pensé que l’insensibilité morale qu’il rencontre est le symptôme d’une altération de l’âme, conséquence de la déchéance physique que de tous côtés on constate. La remarque est peut-être juste ailleurs, dans certains milieux, où les poisons les plus redoutables se combinent pour tarer tout l’organisme et atteindre la cellule nerveuse dans ses élémens les plus délicats. Mais le fléchissement physique du paysan gascon, d’ailleurs relatif et modéré, reconnaît pour cause principale la faiblesse de la natalité : nous avons depuis plusieurs années signalé et expliqué son action[1]. Le cerveau reste intact. Entrez dans une école où tous les enfans se lèvent vivement en votre honneur, le sourire aux lèvres, les yeux pétillans de curiosité : l’impression est très favorable. Elle sera meilleure encore, si vous devenez l’ami et le confident des écoliers. D’ailleurs, quand on les connaît un à un, avec leurs antécédens personnels et héréditaires, on est complètement rassuré.

Cependant l’hyponatalité ne doit pas être mise hors de cause, mais pour d’autres raisons. Grâce à elle, l’école reçoit beaucoup de fils aînés qui le plus souvent d’ailleurs resteront fils uniques. D’après certains auteurs, ce ne seraient pas les mieux doués et il y aurait progrès dans la valeur des enfans à mesure que les naissances se succèdent. L’école est donc privée d’une foule d’écoliers excellens qu’une natalité plus élevée lui donnerait. Il y a sélection à rebours.

Une autre influence fâcheuse est plus certaine. Pour la saisir, il faut bien connaître la vie de l’écolier au village et au hameau ; La densité de la population y impliquait autrefois une continuelle contrainte. Toutes les maisons étaient habitées, chacune avec son jardinet, son champ, son pré, sa vigne soigneusement clôturés. Le matin, en sortant pour jouer ou garder ses bêtes,

  1. En Gascogne : A propos du problème de la natalité. Voyez la Revue du 1er juillet 1911.