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l’obligation, le devoir, la morale en un mot, y tiennent une place considérable, puisque les trois hommes, qui fixaient le plus son esprit, et son admiration, le père, l’instituteur et le prêtre, étaient unanimes à s’en occuper avec lui. La tâche de l’école en était singulièrement facilitée.


IV

Autour d’elle bien des contingences de la vie rurale sont nettement défavorables. Croit-on par exemple qu’il soit facile d’enseigner l’horreur du mensonge et l’amour de la vérité à des enfans, qui sont chaque jour témoins des pratiques du maquignonnage ?

Voici maintenant le métayage. On l’a étudié au point de vue économique et juridique ; on n’a pas assez montré qu’il fut un précieux instrument d’ascension sociale et de culture morale. On y entrait par sélection et on s’y maintenait de même. Presque toujours, à côté du grand domaine, divisé en métairies, un hameau étendait son toit sur une douzaine de foyers ; plus d’une fois peut-être le seigneur voisin l’avait lui-même fait construire pour attirer près de lui « les brassiers. »

L’ambition de ceux-ci, et d’ailleurs leur seul moyen d’échapper à une misérable condition, était de devenir métayers. Mais, pour franchir l’étape, il fallait une belle famille et surtout des qualités morales. Les maîtres du sol avaient alors l’embarras du choix, et le bail à métayage était avant tout un acte de haute confiance, le plus souvent verbal, rarement minuté par un notaire, parfois inscrit sur le livre de Raison dans une phrase comme celle-ci : « Ce jourd’hui j’ai pris comme métayer, aux conditions d’usage, le nommé Pierre Dufau, qui m’a promis de conduire ma métairie de Gabiole en bon père de famille. »

Il ne faut pas transformer le passé du métayage en une pastorale. Les difficultés, les abus, les vols et les fraudes n’étaient pas rares. Un sermon est célèbre en Gasgogne, où le curé passe en revue les différentes manières dont le métayer vole son maître et explique par une image, digne de Panurge, que c’est un vrai péché de donner comme chapons des poulets dont on a simplement coupé la crête. Le sermon est en patois et la traduction n’en serait supportable qu’en latin. Il y avait donc alors des