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En revanche, son devoir rigoureux n’est-il pas de s’examiner avec soin, sans faiblesse, impitoyablement, pour voir si elle ne porte pas en elle, dans sa méthode et ses procédés, dans la formation et l’esprit de ses maîtres, dans la philosophie dont elle est pénétrée, quelques raisons de son échec ? Précisément, pour primaire qu’elle soit, l’école, telle que nous l’avons voulue et faite, est l’expression de notre philosophie intellectualiste et plus exactement de notre positivisme scientiste. N’aurait-elle pas profit à chercher quelques inspirations dans un positivisme plus empirique, plus large et plus souple, qui s’attaque à toute la complexité vivante du réel et veut épuiser les possibilités de l’atteindre, philosophie encore un peu éparse et diverse d’aspects, mais qui chaque jour se précise et grandit parce qu’elle est profondément humaine, pour qui tout est dans l’expérience de la réalité, avec souci que cette expérience soit faite par l’âme tout entière, souci de l’action et des forces, quelles qu’elles soient, génératrices d’énergie et de beauté morales.

Si le positivisme scientiste, solide, mais étroit par les limites qu’il s’impose, nous donne une école sans force pour enseigner une morale efficace, ne faut-il pas se tourner vers une méthode plus compréhensive, où l’on aime beaucoup s’écouter penser et davantage s’écouter vivre, où les idées sortent rapidement de la tour d’ivoire pour se vérifier dans l’homme tel qu’il est en pleine existence concrète, en pleine chaleur d’action et mêlée de combat, avec ses habits de tous les jours, en santé et en maladie, dans la joie et dans l’affliction, aux prises en un mot avec la vérité de la vie, avec le dur et énigmatique labeur qui la remplit ? Une semblable philosophie, on le devine sans peine, est attentive aux résultats, ambitieuse de succès. Pour nous, — c’est par-là que nous finissons comme nous avons commencé, — il n’est rien ici qui nous paraisse supérieur au succès : vieille mentalité professionnelle, vieille habitude d’oublier principes, doctrines, théories, préférences devant la plus humble recette qui guérit le malade. Dans mon village, où la terre et la race meurent ensemble, je tiendrais l’école quitte de bien des choses, si, fixant le petit paysan au métier héréditaire, elle préparait en lui la moralité que réclament impérieusement la famille et la cité. Point de vue peut-être étroit, mais singulièrement élevé, celui de la vie elle-même.

De projeter ainsi dans l’action procédés, méthodes, principes,