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Gaudry. « Ces deux points de convergence, dit-il[1], nous représentent les sommets de deux énormes cônes d’éruption complexes, multiples, soudés par leurs bases, largement égueulés[2], toujours en ruines, souvent régénérés, mais toujours disparus. Cependant, sous leurs bannières sont encore rangées en deux phalanges, comme au temps de leur antique magnificence, les puissantes assises des roches volcaniques du Cantal, lesquelles, ardentes, et flot sur flot, s’échappèrent jadis de leur pied, tandis que, dans les hautes régions, rugissait l’immense respiration des cratères. »

Choisir les noms de Gaudry et de Saporta pour qualifier ces deux cônes reconstitués théoriquement, était d’autant plus heureux que ces deux savans ont passé leur vie à tenter, eux aussi, des essais de restauration : le premier, dans le monde animal, l’autre dans le domaine des végétaux. Ils avaient aussi des ressemblances, comme devaient en avoir entre elles les deux montagnes cantaliennes. Tous deux, délicats et affinés, professaient une philosophie naturelle très douce et aimaient à en développer les détails dans un style quelque peu sentimental. Ils étaient en outre amis intimes, liés par leurs conceptions générales des choses, comme les deux volcans de Rames l’étaient par leur base[3].

En somme, les puys trachytiques du cercle intérieur du Cantal et les crêtes et les croupes qui les relient, formaient une vaste caldera de plus de 10 kilomètres de diamètre, avec une chute interne, à l’Est, de 950 mètres, à l’Ouest, de 880 mètres. C’est dans cette enceinte que s’ouvraient les anciens cratères et que se dégageaient les gaz et les vapeurs, d’où montaient les laves et les scories dont l’accumulation formait les cônes.

« Du sommet du puy de Griou, dit encore Rames, la vue embrasse tous les détails de la cavité circulaire, et les pics trachytiques, vus de cet observatoire naturel, perdent aussitôt de leur importance, leur individualité s’efface beaucoup, car ils se dessinent alors comme de simples dentelures de la crête déchiquetée et éboulée qui couronne la grande enceinte, et celle-ci

  1. Topographie raisonnée du Cantal, p. 14, in-18. Aurillac ; 1879.
  2. C’est le terme dont le caractère technique excuse la rudesse, par lequel en Auvergne on désigne les cratères dont un côté s’est écroulé, sous la pression de la lave en fusion.
  3. Voyez, dans la Revue du 18 janvier 1896, l’étude d’Albert Gaudry : Un Naturaliste français. — Le marquis de Saporta.