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la Conférence des ambassadeurs a rempli une première phase diplomatique, pendant toute la guerre et les premiers temps qui l’ont suivie. Il est de mode aujourd’hui d’adresser mille critiques à la Conférence, sans tenir compte du but qu’elle s’était proposé et des circonstances difficiles qu’elle a traversées. Le but a été de maintenir entre les Puissances un accord qui ne pouvait subsister qu’au prix de certains sacrifices. On reproche ces sacrifices à la Conférence, ou à certaines des Puissances qui en ont fait partie, comme si l’accord qui en est résulté était dépourvu de valeur. Que serait-il arrivé s’il avait été rompu ? Toutes les méthodes, toutes les combinaisons, toutes les solutions ont leurs inconvéniens, mais les méthodes et les solutions contraires auraient eu aussi les leurs et c’est un procédé d’esprit un peu court, parce qu’on voit seulement les premiers, de ne pas se préoccuper de ce qu’auraient pu être les seconds. La politique d’accord entre les Puissances a probablement sauvé la paix de l’Europe : c’est son mérite. Peut-être est-elle moins nécessaire aujourd’hui, au moins dans sa première forme. La guerre des Balkans ayant pris fin, — pour le moment, — le danger d’une conflagration plus étendue est moins pressant. Quoi qu’il en soit, les Puissances de la Triplice ont, sans le briser, assez sensiblement détendu le lien qui les rattache aux autres. Une nouvelle phase diplomatique s’est ouverte, et c’est pourquoi sir Edward Grey a fait des propositions ou des suggestions qui devaient avoir le concours de la France et de la Russie. Les deux groupes de Puissances ont été ainsi amenés à prendre position, non pas contradictoirement, mais parallèlement et avec une indépendance réciproque. Cette forme nouvelle vaut-elle mieux que l’ancienne, l’événement le dira ; mais il faut croire qu’elle correspondait davantage à la situation présente, puisqu’elle en est naturellement sortie.

Sir Edward Grey a donc pris la parole et, puisque les Puissances de la Triple Alliance prétendaient agir sur certains points conformément aux décisions de la Conférence, il a rappelé ce qu’avait été l’esprit de cette même Conférence sur certains autres points, qui ne devaient être non plus ni négligés ni oubliés. En d’autres termes, les Puissances tripliciennes se préoccupant surtout de fixer d’abord au Nord, puis au Sud, les frontières de l’Albanie, le gouvernement anglais a appelé l’attention sur la question des îles, qui n’est pas moins digne d’intérêt. Les deux questions doivent-elles être liées ? On a paru le croire à la Conférence. Les uns ont dit oui résolument, les autres n’ont pas dit non : en somme, le sentiment qu’il y avait un lien entre les deux ordres de questions a dominé dans la Conférence. Il était, au surplus, conforme à la nature