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expériences qui puissent se produire à ce sujet et il rappelle le destin néfaste de tous ceux qui, comme Henri V, Frédéric Ier, Frédéric II, Philippe le Bel, ont violenté le Saint-Siège. Sa colère se porte surtout ce qui concerne la personne de l’empereur des Français. Il a lu des inscriptions latines composées pour célébrer le mariage de Napoléon avec Marie-Louise et il s’en moque : « Napoleo Magnus et cætera. Je n’ai rien lu, dit-il, d’aussi fade, d’aussi étrange en style lapidaire. Il y a même des termes qui font rire l’oreille comme : Ad pacem orbis celeriter gradiens, marchant à grands pas vers la paix du monde ! » C’est à l’Académie des Inscriptions que ses railleries, sans le savoir, s’adressent, et Dieu sait pourtant si cette Académie était fière de posséder des savans comme Dacier et Quatremère de Quincy pour composer avec soin des épigraphes latines !

Le comte de Maistre revient au Concile et ne doute pas que Napoléon n’y convoque « les bipèdes mitres de l’Italie » et ne les force à aller parler latin à Paris, ce qui sera excessivement curieux. « Les choses en sont venues, dit-il, au point où il serait dangereux de l’arrêter. Cet homme miraculeux n’exerce cependant qu’une force purement négative et n’a d’autre puissance que celle de la foudre. Il est ce qu’il doit être et ne saurait durer. » A quatre ans d’intervalle, la prédiction doit être signalée.

Parlant encore du mariage autrichien, il déclare savoir parfaitement comment le projet s’était décidé. « Talleyrand a dit au prince de Schwartzenberg : Nous sommes sûrs de la grande-duchesse de Russie. C’est à vous de voir ce que vous avez à faire. D’abord, après le mariage, il vous faut tomber dessus ! » — Le prince a fait partir un courrier et l’Empereur s’est décidé en moins de deux heures. Tout le monde se répète à l’oreille ce jugement du prince de Ligne sur le mariage : Il vaut mieux qu’il arrive malheur à une archiduchesse qu’à la monarchie. Au reste, quoiqu’on ne doute nullement de l’extrême sensibilité de l’empereur Napoléon et de sa rare tendresse pour son auguste épouse, je crois néanmoins fermement que la politique sera toujours au-dessus de la tendresse et que jamais il n’accordera à l’Autriche une préférence capable de lui donner de l’équilibre à l’égard de la France. » Le comte de Maistre insiste sur l’ambition insatiable de Napoléon et il le dit en termes aussi vrais que saisissans : « Jamais cet homme ne se reposera que quand