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les îles de l’Archipel, il n’y a pas eu de difficultés de principe : les Puissances de la Triple Alliance mettent seulement certaines conditions, qui ne seront sans doute pas toutes maintenues, à l’attribution définitive de ces îles à la Grèce. Les réponses de l’Allemagne, de l’Italie et de l’Autriche n’ont pas été faites collectivement, elles l’ont été séparément et avec des différences de forme d’ailleurs insignifiantes. Les trois Puissances ont voulu éviter par-là de présenter l’Europe divisée en deux parties, la Triple Alliance d’un côté, la Triple Entente de l’autre, et cette intention est louable, bien qu’elle ne change pas grand’chose à la réalité.

Sir Edward Grey a jugé le moment venu de prendre une initiative nouvelle : il a proposé aux Puissances de s’associer dans une démarche commune à Constantinople et à Athènes pour y notifier les solutions auxquelles l’Europe s’est arrêtée. Il faut souhaiter que cette démarche ait lieu, et que la Turquie et la Grèce s’inclinent devant une aussi haute autorité. S’il en est ainsi, nous ne répondrons pas de la paix pour un long avenir, mais enfin elle sera assurée pour quelque temps. Il n’y a d’ailleurs rien d’arbitraire dans les solutions adoptées par l’Europe : ce sont celles que la guerre a imposées. Sans doute une guerre nouvelle pourrait en amener d’autres, et c’est peut-être ce qu’on rêve à Constantinople, mais c’est ce dont l’Europe ne veut pas. Assez de sang a coulé ; la tranquillité, la sécurité du monde ont été mises à une assez longue épreuve ; le tour de la paix est revenu.

On voit toutefois combien, en dépit des bonnes volontés, la situation reste instable. La Bulgarie ne rêve que revanche ; la Porte, qui a repris des forces, voudrait bien reprendre aussi quelques-uns des territoires qu’elle a perdus ; on s’entend à demi-mot à Sofia et à Constantinople. Il est à croire qu’on s’entend dans les mêmes conditions à Belgrade, à Athènes, et sans doute aussi à Bucarest. Quant aux grandes Puissances, elles ont montré qu’elles étaient sincèrement pacifiques : néanmoins, toutes se préparent à la guerre. M. Noulens a eu bien raison de dire à Mirande que les motifs qui nous ont fait établir le service de trois ans continuent d’exister.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.