comment ils se doivent aimer les uns les autres : l’enfance deviendrait l’éducatrice de l’humanité.
Cœur : jamais titre d’un livre ne fut plus conforme à son esprit ; jamais il n’y eut de meilleur guide pour former des cœurs généreux. Par une série d’exemples très émouvans, les passions nobles sont éveillées dans l’âme de l’enfant, entretenues, nourries. Dès les premières pages, il lira l’histoire d’un de ses camarades, en tout point semblable à lui-même, qui vient de sauver un enfant dans la rue au moment où celui-ci allait être écrasé sous un omnibus : et ce sera toujours ainsi, de semaine en semaine et d’histoire en histoire ; il n’en est pas une qui ne fasse appel à sa sensibilité, pour le rendre meilleur par l’amour. Il saura qu’il y a des circonstances où il ne faut marchander ni son argent, ni son temps, ni sa propre vie ; entraîné par l’émulation, il souhaitera même de les voir naître. Il apprendra qu’au lieu de rire des infirmes, il faut avoir pitié d’eux : qu’il faut avoir pitié même des coupables. De Cuore, il tirera peu de connaissances positives ; c’est un livre d’éducation, non d’instruction ; mais il tirera ce grand profit, que, dès les premières années de son existence, il sentira que rien d’humain ne lui est étranger ; il évitera la sécheresse de l’âme. Autant Pinocchio se montrait sans indulgence pour les infortunes des coquins, autant Enrico compatit à la misère, sans en rechercher la cause et sans la juger. Au nom de quel principe ? Sans principe, à proprement parler ; par élan. Ton cœur ne te dit-il rien ? lui demande son père, au moment où il s’agit de faire le sacrifice de son plus beau jouet. Le cœur parle, et aussitôt le sacrifice est accompli. Lorsque la mort passe dans le récit, — car nous savons trop qu’elle s’attaque volontiers à l’enfance, et que la pire de ses injustices est de frapper ceux qui n’ont pas mérité de mourir, — est évoquée l’idée d’une vie supra-terrestre, sous l’autorité d’un Etre suprême. Mais cette idée est vague et se transforme bientôt en effusion du cœur. La bonté ne se commande pas ; elle n’a pas besoin de dogme ; elle jaillit de source, et porte en elle-même sa raison d’être. Dans la hiérarchie des facultés, la sensibilité passe avant la raison.
Il y a peut-être là un excès d’optimisme. Tous les maîtres nous sont donnés comme parfaits ; ils mettent à remplir leur devoir un dévouement qui va jusqu’à l’héroïsme ; malades, ils ne pensent qu’à leur classe ; ils meurent à la tâche. Un