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Parce qu’il m’a été fait des choses grandes et que le Saint est son nom !

Vous avez mis dans mon cœur l’horreur de la mort, mon âme n’a point tolérance de la mort !

Savans, épicuriens, maîtres du noviciat de l’Enfer, praticiens de l’Introduction au Néant,

Brahmes, bonzes, philosophes, tes conseils, Egypte ! vos conseils,

Vos méthodes et vos démonstrations et votre discipline,

Rien ne me réconcilie, je suis vivant dans votre nuit abominable, je lève mes mains dans le désespoir, je lève les mains dans la transe et le transport de l’espérance sauvage et sourde I

Qui ne croit plus en Dieu, il ne croit plus en l’Etre et qui hait l’Etre, il hait sa propre existence. »


Il n’y a guère de sujets personnels que n’ait touché M. Paul Claudel, et ce n’est pas étonnant puisque le lyrisme vit de la vie de l’âme. Il y a dans les Odes les plus hautes pages qu’on ait écrites sur la paternité. « Maintenant il y a ceci de changé entre moi et les hommes, que je suis père de l’un d’entre eux. Celui-là ne hait point la vie qui l’a donnée, et il ne dira plus qu’il ne comprend pas ; » sur l’amour humain, sur la soif de Dieu.

Mais, jaillissant de ces sentimens éprouvés, et de leur excès même, la foi atteint le domaine spirituel, et là elle prend, tout naturellement et par sa simple ascension dans un esprit complet, la forme du mysticisme, de la poésie et de la métaphysique. Séparées ou mêlées, purement abstraites ou suggérées par les fêtes catholiques, par quelque faste de Dieu, ces trois formes de l’exaltation de la foi produisent une beauté qui est de l’ordre le plus haut. On voit bien quel tribut apporte le poète à cette foi, mais c’est un échange, et la foi à son tour est libérale au poète. Tous les vrais écrivains qui ont traité ces sujets ont prouvé de quel rayonnement leur littérature était embellie par un tel contact. Celui-ci, qui joue du « trésor indéfectible » de la nature avec une audacieuse aisance, et qui dispose des « grandes créatures célestes, » les étoiles et les mondes inconnus, comme de quelques fruits, ajoute à la liberté poétique l’atmosphère divine, cette adorable couleur du saphir qu’un jour Dante entrevit.