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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




« Nous sommes dans l’incohérence, restons-y, » disait autrefois M. Clemenceau, alors qu’il était lui-même au pouvoir : en effet, nous y sommes restés, ou nous y sommes retombés, et ce n’est pas M. Caillaux qui nous en tirera. M. Caillaux s’était présenté comme un sauveur au moment où il a foudroyé de son éloquence les projets financiers de M. Dumont, et il semblait qu’il n’y eût qu’à le prendre pour voir l’ordre, la méthode et la prospérité réintroduits partout. L’équilibre serait rétabli dans notre budget, les inquiétudes qui assiégeaient les esprits seraient dissipées, le gouvernement saurait prendre les responsabilités nécessaires, et on irait aux élections avec des finances saines, un horizon rasséréné, un avenir assuré. L’a-t-on cru ? Nous n’oserions pas le dire ; nos mœurs politiques comportent une forte dose de scepticisme ; mais on a fait comme si on le croyait et, pour lui céder la place, on a renversé M. Barthou.

Au bout de quelques jours, le désenchantement a été complet. On s’est aperçu que M. Caillaux n’avait pas à sa disposition d’autres procédés que M. Dumont, et qu’il les employait plus mal. Malgré cela, les analogies ont frappé tous les yeux et on les a signalées de toutes parts. Alors, qu’a fait M. Caillaux ? Il a tout ajourné : avant les élections prochaines, nous n’aurons de solution sur rien. Nous voilà bien loin des belles promesses d’autrefois ! Il semble que le mécanisme gouvernemental soit frappé de paralysie, ou, s’il fonctionne, qu’il le fait à vide. Partout l’action est ralentie et les paroles coulent d’un bruit monotone, qui semble être la manifestation même du néant. Le Sénat discute lentement, académiquement, l’impôt sur le revenu. La Chambre entame trop tard la discussion du budget et n’a d’autre idée que de la bâcler. Tout le monde se désintéresse de tout et l’image la plus exacte qu’on ait, de ce gouvernement est celle qu’a donnée, l’autre