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s’est grandement réjoui.de l’amélioration des rapports entre l’Allemagne et l’Angleterre ; il a même consacré à cette amélioration si heureuse toute une partie de son discours et la plus éloquente ; mais, à son tour, il a conclu que « sans la mesure des forces navales telle qu’elle a reçu son expression dans la loi sur la flotte, il ne se serait vraisemblablement pas produit une orientation vers de meilleures relations avec l’Angleterre. » Donc il faut continuer d’armer, puisque la force, et une force toujours plus grande, est le meilleur argument de la diplomatie. Que les pacifistes se le tiennent pour dit.

Pour ce qui est de savoir si la paix est assurée, nous ne saurions le faire, ni le dire. Dans une conversation qu’il a eue avec le correspondant du Rousskoïé Slovo, journal de Moscou, le roi Charles de Roumanie, dont le long règne, toujours heureux, a assuré l’autorité, a parlé de la question dans les termes les plus sagaces. Le ministère roumain ayant été changé, le Roi a tenu à déclarer que la politique étrangère ne l’était pas, et c’est d’ailleurs ce dont personne ne doutait. La politique étrangère d’un gouvernement intelligent ne tient pas aux modifications qui peuvent se produire dans le personnel ministériel à l’intérieur. Le Roi a dit un mot, en passant, de la question des îles, qui doit être résolue par les Puissances : à son avis, l’autonomie pour ces îles, sous le protectorat de l’Europe, serait peut-être la meilleure solution. Mais c’est surtout de la situation balkanique qu’il a parlé. On s’est préoccupé d’une guerre éventuelle entre la Turquie et la Grèce : comment et où peut-elle se faire ? Elle ne le peut pas de sitôt sur mer, puisque les cuirassés commandés par la Turquie en Angleterre ne seront pas achevés avant septembre ou octobre, et le Roi aurait pu ajouter que, quand ils les auront en leur possession, les Turcs devront encore apprendre à s’en servir : jusque-là, les Grecs conserveront sur mer une supériorité qui ne permet pas aux Turcs de les attaquer. Mais sur terre ? Grâce à leur bonne fortune, la Turquie et la Grèce n’ont plus de frontière commune, d’où le Roi a conclu que la guerre terrestre n’est possible que si la Bulgarie, la Roumanie ou la Serbie participant au conflit, permettent aux armées ennemies le libre passage ‘ des territoires qui leur appartiennent. « . Dès lors, dit le Roi, la position de la Roumanie est bien claire : elle demande à la Bulgarie de ne pas prendre le parti de la Turquie et à la Serbie de ne pas prendre le parti de la Grèce, » et il ajoute que, dans ces conditions, un conflit gréco-turc isolé ne toucherait pas à la paix de Bucarest qu’il considère comme « absolument intangible. » Cette dernière affirmation est importante à recueillir. Si la Roumanie, considérant le traité de