Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et son « organe stentorial, » — ainsi que s’exprimeront si souvent ses auditeurs, — l’a tout de suite imposé. Il est vite devenu le président de ce « district des Cordeliers » qui, dès l’été de 1789, s’est jeté à l’avant-garde du Paris révolutionnaire et constitué en canton insurgé. Des arrêtés singuliers où tout est fronde audacieuse, ont bientôt signalé ce tumultueux district à l’inquiétude des pouvoirs constitués, ministres, Assemblée nationale et Hôtel de Ville, à l’admiration du peuple parisien, à l’attention de tous ; c’est la « République des Cordeliers » qui semble ne connaître point de maître, et qui cependant en a un, son président qui ne signe pas seulement les arrêtés tapageurs, mais les inspire et les rédige. L’ « excellent M. d’Anton » est devenu, pour les Cordeliers fanatisés, » leur chéri président. »

Appuyé sur ces séides, il s’est déjà signalé en 1790 comme l’homme des audaces. Contre la première équipe des révolutionnaires, celle que 1789 a installée à l’Hôtel de Ville, contre Bailly, La Fayette, les « quatrevingtneuvistes, » comme il les appellera dédaigneusement, il a entrepris une lutte au couteau. Lui est l’homme de la seconde équipe, — au moins l’espère-t-il, — celle qui, balayant, « ces tièdes, » fera « la seconde Révolution. » Vainement l’Hôtel de Ville essaie-t-il de le faire traîner, sous prétexte d’un geste factieux, devant le Châtelet : il sait jouer la justice et lui résister, et, saisissant les quarante-sept autres districts de sa cause, comme étant celle de la Liberté et de la Démocratie, il devint le héros d’une de ces « affaires » judiciaires qui, grossies démesurément, mettent un homme au pinacle. De l’ « affaire Danton » Danton s’élance.

Vainement encore à l’Hôtel de Ville, où il est venu siéger, on parvient à l’étouffer : vainement, le district des Cordeliers supprimé avec les autres, le tremplin d’où il a semblé prendre son élan, est brisé sous ses pieds. On le voit soudain reparaître quand on le croyait écarté ; c’est quand, le 10 novembre 1790, orateur des sections de la capitale, il vient, à la barre de l’Assemblée nationale, dans un discours d’une violence inouïe, sommer les députés de réclamer du Roi le renvoi de ses ministres « contre-révolutionnaires. » Interrompu par la Droite exaspérée, soutenu par la Gauche exaltée, il domine le tumulte et écrase à ce point les suspects qu’avant une semaine ceux-ci démissionnent. Et, cette victoire remportée, il peut rentrer pour quelques jours dans l’ombre de son cabinet.