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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/178

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Aux Girondins Danton apparaissait comme le meneur de cette intrigue. Avant même qu’elle eût réussi, ils entendirent étrangler l’homme avec l’affaire de Dumouriez.

Le 27, la trahison n’étant point encore connue, Danton avait prononcé un discours où, dans un passage incident, il avait déclaré avoir vu une lettre dans laquelle Roland avait convié Dumouriez à se liguer avec lui pour écraser le parti jacobin, « surtout ce Danton. » Le lendemain, Roland protesta : la lettre était un faux. Les Girondins crièrent à l’imposture. Il fallait que Danton s’expliquât. Le 30, ils l’y provoquèrent en termes acerbes. Tandis que, dit le compte rendu, « plusieurs voix s’élevaient pour accuser Danton, » notamment au sujet des fameux « comptes, » un député cria qu’il serait bon que Danton parlât de la mission en Belgique, au sujet de laquelle mille bruits infamans circulaient déjà.

Danton se sentait-il mal assuré ? Son discours haletant, en tous cas, le laissa croire. Et, le soir, aux Jacobins, il prononça un autre plaidoyer où, au milieu de boutades ironiques et de fougueuses sorties, on pouvait percevoir le même embarras à s’expliquer franchement. Une menace s’y formulait, annonçant l’orage ; la Convention « infestée » se « purgerait sans déchiremens, » et s’adressant à ses ennemis (absens) il ajoutait : « Nous voulons bien encore nous montrer sages et froids, mais, si vous levez encore la tête, vous serez tous anéantis. »

Les « ennemis » crurent Danton empêtré et entendirent l’enfoncer d’un seul coup le surlendemain, 1er avril.

Ce fut Lasource qui attacha le brûlot : l’accusation de complicité avec Dumouriez. Danton y répondit encore avec une relative modération, discutant les faits, démontrant ce qui le séparait du général, qu’il n’avait renoncé à faire saisir que par patriotisme d’abord, car on se battait contre les Autrichiens ; par prudence ensuite, car, dépourvu de toute force exécutoire, il ne pouvait prévaloir contre le prestige de l’état-major.

La modération même de cette première réponse put faire croire à Lasource que son adversaire était intimidé. Il remonta donc à la tribune et cette fois l’accusation se précisa : Dumouriez avait voulu rétablir la royauté après avoir dissous la Convention nationale ; Delacroix et Danton étaient les complices, « tenant, l’un en Belgique, l’autre à Paris, les deux extrémités du fil de