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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/188

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l’amour de l’humanité sont les véritables sentimens de son cœur ; il se montrait barbare pour garder toute sa popularité et il voulait garder toute sa popularité pour ramener avec adresse le peuple au respect du sang. » Politique effroyablement dangereuse : la rue entendait « les cris de fureur démagogique » et restait sourde aux « insinuations de clémence. »


Le plus pressant, pour « fixer » la Révolution, était d’arrêter l’Europe en la rassurant.

Le 13 avril, Danton parut à la tribune pour atténuer l’effet d’une intervention de Robespierre. Celui-ci, tout à sa machiavélique politique de guerre, avait demandé « la peine de mort contre les lâches qui proposeraient de transiger avec les ennemis de la République. » C’était presque couper au nouveau Comité toute possibilité d’action diplomatique. Danton, sans heurter de front Robespierre, s’expliqua : « Il était temps que la Convention fit connaître à l’Europe qu’elle savait allier la politique aux vertus républicaines. » Le décret sur la propagande surtout l’inquiétait : « Vous avez, disait-il, rendu, dans un moment d’enthousiasme, un décret dont le motif était beau sans doute, puisque vous vous obligiez de donner protection aux peuples qui voudraient résister à l’oppression de leurs tyrans... Citoyens, il me faut avant tout songer à la conservation de notre corps politique et fonder la grandeur française. Que la République s’affermisse, et la France, par ses lumières et son énergie, fera attraction sur tous les peuples. »

L’homme, depuis une semaine, gérait les Affaires étrangères ; on comprit qu’il demandait ses coudées franches ; l’Assemblée déclara qu’ « elle ne s’immiscerait en aucune manière dans le gouvernement des autres Puissances. » La formule était de Danton : elle déblayait sa route.

Il la fit porter incontinent à la connaissance des petites Puissances : on rassurait les Suisses, Genève, le roi de Sardaigne lui-même, à qui Chepy, agent de Danton, fut chargé d’aller promettre des compensations pour la Savoie perdue. Déjà la Suède avait renvoyé a Paris le baron de Staël ; Danton l’enveloppa de séductions ; ce serait un tel avantage que l’alliance, avec la République, des successeurs de Gustave-Adolphe, des alliés traditionnels de la vieille monarchie.