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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/192

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entendit, loin de l’éviter, provoquer une démarche des petits Etats, tendant à exiger, pour prix de leur amitié, la mise en liberté de Marie-Antoinette. Maret eût été chargé de cette mesure. L’ambassadeur d’Espagne à Venise dut avoir vent de cette négociation. Le 31 juillet, il écrivait au duc d’Alcudia cette fameuse lettre qui, saisie, devait être, elle aussi, versée au procès de Germinal. On y lit cette phrase singulière : « Danton et Delacroix, qui étaient du parti de la Montagne, se sont faits girondins (il veut dire modérés), et ils ont eu des conférences avec Sa Majesté (Marie-Antoinette). »

Cette lettre laisse peu de doute sur l’attitude de Danton et sur la réalité de la mission de Maret. Je retrouve d’ailleurs en toute cette machination l’esprit du Danton de l’été de 1793. Désireux, pour diverses raisons, de sauver la Reine, il voulait paraître avoir la main forcée par les petites cours à gagner. Depuis des semaines, il lui fallait trouver des prétextes à la clémence et des excuses à l’humanité.


Il subissait, notamment depuis les premiers jours de juin, l’influence adoucissante, à l’excès peut-être, d’une femme, d’une enfant, pourrait-on dire, qu’il venait d’épouser.

Chez un homme aussi passionné et prenable aux entrailles, il faut sans cesse chercher, dans la vie privée, des explications à certaines de ses attitudes politiques. La mort de Gabrielle l’avait, nous l’avons vu, jeté dans une frénésie sombre dont les Girondins avaient, à leur dam, connu les effets. Et maintenant, retrouvant le bonheur, il s’attendrissait.

Tout Danton tient dans ce double épisode : en février 1793 des transports de douleur devant le corps exhumé de sa femme ; et, en juillet, son mariage avec cette jolie Louise Gély qui, de sa petite main, va, dit-on, faire se courber cette tête altière jusque sous la bénédiction d’un prêtre romain.

La solitude du foyer, plus qu’à aucun autre, lui pesait. « Il me faut des femmes, » dira-t-il le 29 août à propos de son récent mariage. Il lui fallait « une femme ; » j’ai dit ce qu’il lui demandait : la vie confortable et l’amour par surcroît.

Cette petite Louise était fille de <(Marc-Antoine Gély, ci-devant employé à la marine. » Ayant été jadis huissier audiencier,