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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/195

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d’anciens amis. Roch Mercandier, ancien confident de Desmoulins, avait, dès le 10 mai, avec une violence inouïe, dénoncé, dans « l’avocat patelin » qui « s’était gorgé de sommes énormes, » « un effronté larron. » Le 31 mai, Chabot déclarait au club que Danton avait « perdu son énergie. » Après le 2 juin, les attaques avaient redoublé, Danton, affirme-t-on, le 7, ne vient point au club : méprise-t-il ses anciens amis ? Il fallut qu’il vînt s’expliquer : « Donnant au Comité, dit-il, le maximum de sa force et de sa pensée, » il était « actuellement anéanti : » par là ses absences s’expliquaient. Quant à sa modération, il y était contraint « pour ramener des esprits faibles, mais d’ailleurs excellens. »

Cependant, les attaques continuèrent : Vadier, le 23 juin, dénonça les « endormeurs » du Comité. Or, le Comité, c’était plus que jamais Danton ; car, le 29 juin, il recevait encore la mission de « suivre les opérations du ministre de la Guerre » et de gérer ainsi, avec les Affaires étrangères, la défense nationale.

Ce surcroît d’influence exaspérait les antipathies, les jalousies, les rancunes. Marat, qui avait rompu avec Danton, attaqua le Comité. C’était « le Comité de la perte publique, » et un ami de Saint-Just, Gateau, se fit au club, le 5 juillet, l’écho de Marat.

L’orage grondait. Danton ne voulait pas l’entendre. Il traversait une période de lassitude, « anéanti, » déclarait-il, — plus peut-être par son bonheur privé que par les soucis d’Etat. Ce n’était pas seulement au club et à la Convention qu’on remarquait ses absences. « A peine, lui écrit le 27 juin Beaumarchais, venez-vous depuis quelques jours au Comité où pourtant j’ai aperçu depuis deux mois qu’on y prend un parti... sans vous avoir consulté. »

Dès le 4, Taillefer, critiquant la mollesse du Comité dans la répression de l’insurrection des provinces devenue générale, avait obtenu de l’Assemblée une sorte de vote de méfiance. Attaqué vivement le 8, puis le 10, le Comité ne se défendit pas. C’est à se demander si, réellement « anéanti, » Danton ne se laissait pas tomber. Le 10, on signala que Westermann (le soldat de Danton) avait été battu en Vendée. Le Comité en était responsable : on décida de le renouveler. Il le fut incontinent et de telle façon que Danton ne s’y trouva plus porté et que, sur les neuf membres élus ou réélus, deux seulement étaient ses amis.