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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/203

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prouve pas que l’âme celtique se soit réveillée ; mais il l’affirme. Les Gallo-Romains, dit-il, sont des positivistes ; les Celtes valent par un « idéalisme natif et irréductible. » Or, l’idéalisme, de nos jours, attaque vivement la sécurité positiviste. Donc, l’âme celtique se réveille. Et qui en douterait ?… Pour bien comprendre ce qu’entend par le celtisme l’auteur de la Druidesse, il faut savoir que Jeanne d’Arc lui apparaît comme « une résurrection et une transfiguration de l’antique druidesse sous la forme d’une héroïne chrétienne librement inspirée. » Mais alors, j’avoue que j’écoute respectueusement la Pythie et demeure stupide. Je le demeure, quand je lis que la révolution française et le romantisme sont « deux puissantes manifestations des instincts profonds du tempérament gallo-kymrique. » M. Schuré doit avoir ses raisons pour énoncer de ces rudes apophtegmes. Seulement, ses raisons, il ne nous les livre pas. Nous vivons, auprès de lui, sous le régime de l’arbitraire. Il y a en lui de l’autocrate, et voire du despote.

Les druides le devaient tenter : les druides qui étaient (assure-t-il) en possession de la sagesse primordiale ; et les druides qui, avec leur culte officiel, avaient (assure-t-il) une doctrine secrète ; et enfin les druides qui se souvenaient de l’Atlantide. Les élémens de la philosophie des druides, M. Édouard Schuré les emprunte au Mystère des Bardes, document traduit par Pictet (Genève, 1853). Et nous sommes contens de penser qu’il a un document sous la main. N’allons-nous pas nous établir enfin sur un terrain solide ? Eh bien ! non. Il paraît qu’aujourd’hui les Celtisans n’accordent plus d’autorité au Mystère des Bardes ; ils refusent d’y trouver les véritables idées druidiques et, ce Mystère, ils le regardent comme « une élucubration de quelques théologiens du XVIIe siècle. » Ce document fut rédigé plus de mille ans après la mort des derniers druides. Qu’importe ? répond M. Schuré ; la tradition orale, et non écrite, des bardes a duré beaucoup plus de mille ans. Du reste, nous n’en savons rien. Mais nous pouvons le supposer : il suffit.

Si M. Édouard Schuré travaillait selon l’usage habituel, réunissant des faits et craignant de les interpréter avec imprudence, enfin s’il employait la méthode à laquelle les autres historiens doivent la justesse de leurs conclusions attentives, on aurait à lui adresser mille objections. Seulement, n’est-il pas, de son aveu même, un voyant ? Il nous dira : — Vous ne voyez pas ; tant pis pour vous !…

Tacite raconte que, sous le règne de Vespasien, Velléda, une fille de la nation des Bructères, fut célèbre ; dans une tour, elle donnait