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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/220

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adulte sont certainement attribuables à l’homme lui-même, et elles se propagent dans la grande majorité des cas par les voies respiratoires. Dans ce cas, le bacille continue son évolution dans un organisme semblable à celui qu’il vient de quitter, et sa virulence ne s’est en rien modifiée. Pourtant, s’il change de milieu, l’adaptation se fait après un certain temps, et on peut faire passer le bacille humain chez la poule par exemple, mais après quelques passages il s’est modifié, il constitue un type aviaire spécial et, cessant de devenir pathogène pour l’homme, il le devient alors pour les gallinacés. Voilà qui montre mieux que tout au monde la vérité de la doctrine transformiste. Mais puisque seul le bacille tuberculeux humain est réellement virulent pour l’homme, on comprend que la contagion interhumaine soit la plus redoutable, ce que les expériences de M. Calmette ont établi.

En résumé, c’est sous la forme interhumaine et spécialement inter-pulmonaire que la contagion tuberculeuse est le plus dangereuse. La restreindre, c’est diminuer la mortalité en France. Pour cela, il faut que l’hygiène individuelle et sociale progresse par l’amélioration des mœurs, disent les uns, par la force des lois, prétendent les autres. L’Académie de médecine a émis, il y a peu de semaines, après les discussions passionnées que l’on sait, un vœu formel en faveur de la déclaration obligatoire de la tuberculose. Si ce projet pénètre jamais à la Chambre, quand en sortira-t-il ? Pourtant, l’avenir du pays en dépend, car il est temps d’enrayer un mal partiellement évitable et de marcher sur les brisées de tant d’autres nations.

Qu’on en juge. En 1910, et par 1 000 habitans, les taux de la tuberculose ont été de 15 en Prusse et en Angleterre, de 21 en France pour toutes les tuberculoses ; pour la tuberculose pulmonaire, de 10 en Angleterre, de 18 en France, de 35 à Paris, et de 19 à Berlin. Les courbes qui figurent l’évolution de la maladie sont plus éloquentes encore : la Prusse et l’Angleterre ont diminué en trente-cinq ans de 55 p. 100 le nombre de leurs tuberculeux. Et nous, qu’avons-nous fait ? Tandis qu’à Paris il diminuait de 14 p. 100, il diminuait à Berlin de 45 p. 100. Nous ne parlons pas des pays Scandinaves où l’on a fait encore de meilleure besogne.

Certes, avec son climat délicieusement modéré, ses produits exquis, toutes les fleurs de sa terre, la France est toujours le jardin de l’Europe. Mais il y a des cimetières aussi qui sont pleins de fleurs ; nous l’apprendrons un jour si nous n’y prenons garde.


CHARLES NORDMANN.