Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/241

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tinctions qui ont paru subtiles à son esprit simpliste et il a annoncé qu’il acceptait l’enquête, sans dire si c’était celle de M. Augagneur ou celle de M. Ferry. Alors M. Millerand est monté à la tribune et on a cru que la vraie bataille allait commencer ; mais à peine a-t-il ouvert la bouche que M. Augagneur a retiré sa proposition et s’est rallié à celle de M. Ferry. Tout cela était-il convenu d’avance ? C’est probable ; mais M. Millerand, qui n’était pas dans le secret, en a paru déconcerté, et il est descendu de la tribune en disant qu’il était venu combattre la première enquête et non la seconde. La déception a été grande. L’occasion de se montrer était belle pour les orateurs de la Fédération des gauches, ils ne l’ont pas saisie et le combat a fini faute de combattans. Le ministère était sauvé à bon compte. Mais personne n’a grandi dans cet avortement d’une discussion qui avait été annoncée avec fracas. Les socialistes se sont contentés de témoigner leur mécontentement par leur abstention dans le vote. Pour ce qui est de forcer le gouvernement à s’expliquer sur le service de trois ans, ils n’en ont rien fait, ils ont reculé devant une telle imprudence, ils n’ont pas voulu s’exposer à mettre le ministère dans l’embarras avant les élections. Celui-ci le savait et s’est contenté de faire quelques gestes, désertant lui-même un combat qu’on ne lui offrait plus. Il a sans doute laissé dans cette affaire quelque chose de sa dignité, mais il n’en a cure et, pourvu qu’en somme il vive, c’est assez, il est plus que content, comme le vieillard de la fable.

Cette journée n’a pas fait faire un progrès à nos mœurs politiques. Le gouvernement, incapable de répondre à la Chambre et répondant mal au Sénat, se sauve par des échappatoires. Que reste-t-il aujourd’hui de l’incident Maginot ? La poignée de main de M. le président du Conseil et une Commission d’enquête sans signification déterminée. Et que restera-t-il demain de l’impôt général sur le revenu avec déclaration contrôlée, chef-d’œuvre de M. Caillaux ? Le vote des deux premiers titres du projet de la Commission, Nous ne nous en plaindrons pas : mais alors, pourquoi avoir renversé M. Barthou ?


La situation s’éclaire un peu en Orient, et il semble que nous entrions dans une phase plus calme : le besoin de la paix que toutes les Puissances balkaniques ressentent est d’ailleurs à cet égard la meilleure garantie. Nous en étions restés aux démarches faites à Constantinople et à Athènes, par lesquelles les Puissances notifiaient leurs volontés, relativement aux frontières méridionales de l’Albanie et aux îles de la mer Egée. Dans l’état où étaient les choses, personne ne mettait en