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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/317

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mais par ordre, pour lui, mais pour les autres, pour être utile, pour plaire, pour être lu. Il est le poète de l’anecdote du jour ou de l’idée en vogue. N’en serait-il point ainsi de sa croyance ? On a parlé de sa conversion. Rien ne trahit dans ses œuvres, dans sa vie, une crise d’âme. Rien de plus contraire non plus à son tempérament. Ce qui est vrai, c’est qu’attaché dès 1518 au service de Marguerite, il subit l’influence de son milieu comme de ses idées. Et il ne serait pas difficile de retrouver le christianisme un peu vague de la maîtresse dans les œuvres du serviteur. Ce n’est pas sans dessein qu’il rime, avant 1525, cette « Oraison devant le Crucifix, » mystique prière au doux Jésus qui répond bien aux sentimens de la Reine, mais qui n’est guère qu’une « traduction, » où nous échappe la part qui revient au poète. Peut-être est-ce pour ces idées, mais certainement pour ce prétexte qu’il est poursuivi en 1526 et interné à Chartres. Il se défendra alors de toute hérésie, proclamant son attachement à l’Eglise catholique. En fait, dans la préface qu’il écrit à cette époque pour une version du Roman de la Rose, il parlera toujours en catholique du culte de la Vierge et se prononcera contre ceux qui prétendent supprimer les hymnes traditionnels.

Si son évangélisme s’accuse après 1527,et surtout après 1530, c’est qu’à ce moment même la Cour semble gagnée aux idées de réforme. Marguerite dirige le mouvement, comme le Roi lui-même a pris parti, Marot peut cribler les théologiens, les « pharisiens » et les moines. Il est dans le ton. Il peut traduire les colloques les plus acerbes d’Erasme contre l’ascétisme, et commencer les Psaumes. Erasme est en faveur, comme la Bible à la mode. Et si dans une poésie, comme le Sermon du bon Pasteur, il expose, à grand luxe de citations, la doctrine de la grâce, de la foi justifiante, du salut par le Christ seul, ce sont la vérités chrétiennes que développe le Miroir de l’âme pécheresse et que la prédication d’un G. Roussel au Louvre met en lumière. L’épître la plus « réformée « peut-être qu’on puisse lui attribuer, celle à Deux sœurs savoisiennes, sera écrite à la Cour de Ferrare, en 1536, au moment où Calvin y réside. Mais ici encore Marot n’est qu’un reflet. Que de ces idées, lui-même soit convaincu, nous n’en saurions douter. Il les défendra avec sa fougue habituelle, et même, s’il faut en croire Sagon, « la dague à la main. » La mansuétude n’est pas son fait. Il a trop d’esprit