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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/375

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C’est alors que Robespierre, évidemment frappé de la faiblesse de cette réponse et de la « défaveur » qui en résultait pour Danton, se décida à relever momentanément l’ennemi dont il entendait se servir quelques semaines encore contre un ennemi pour l’heure plus dangereux.

Il le fit d’ailleurs d’une façon qui nous éclaire singulièrement sur son caractère. Résumer les accusations portées contre Danton et, en les étalant, leur donner une publicité plus grande, accusations de fuite à l’étranger et de complicité royaliste, c’était réunir pour l’avenir les élémens du réquisitoire dont, avant quatre mois, il fournira à Saint-Just toutes les parties. Pour le moment, il se gardera, ces accusations, de les rétorquer à fond : il accusera avec soin tout ce qui les a divisés, Danton et lui, tout ce qui les divise encore, et c’est, sous prétexte de faire valoir l’impartialité dont il entend faire montre, une autre sorte de réquisitoire. Car, après avoir rappelé les accusations assez extraordinaires qui, dit-il, couvent depuis quelques semaines, il en formule de plus réelles. Tandis que, lui, Robespierre pénétrait les desseins infâmes de Dumouriez, il avait dû reprocher à Danton de « n’être pas plus irrité contre ce monstre. » Il lui avait reproché de « n’avoir pas poursuivi Brissot et ses complices avec assez de rapidité. » Mais c’étaient pour l’heure les seuls reproches qu’il eût à lui adresser. Alors une nouvelle précaution qui réserve l’avenir : « Je me trompe peut-être sur Danton, mais, vu dans sa famille, il ne mérite que des éloges. Sous les rapports politiques, je l’ai observé : une différence d’opinion entre lui et moi me le faisait épier avec soin, quelquefois avec colère, et, s’il n’a pas toujours été de mon avis, conclurai-je qu’il trahissait la patrie ? Non. Je la lui ai vu toujours servir avec zèle ! » Et il disculpa vaguement Danton des propos dénigrans qu’on répandait « dans les groupes et les cafés. » Il engageait d’ailleurs chacun à venir dire franchement ce qu’il pensait de lui.

Les amis de Maximilien durent comprendre que l’heure n’était pas venue de jeter bas celui que, quatre mois après, il appellera l’ « idole pourrie. » Les amis d’Hébert même parurent intimidés par la demi-justification apportée par le pontife de la Vertu. Car, tandis que Merlin de Thionville venait rappeler qu’entre autres services, Danton avait, « au 10 août, sauvé la République avec ces paroles : De l’audace ! » Momoro, Cordelier