Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/418

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Oued Sassou, de l’Oued Aougeran, de l’Oued Mimoun,de l’Oued Béni Oullid, abondent en ruines romaines, témoins d’une prospérité économique depuis longtemps disparue. Tout le long de l’oued Soff-ed-Djinn, à Ghassar-Ometela, à Daffar Tremta, à Tininaye, à Argouz, se voient des restes de fermes particulières, de tombeaux, de temples. Plus au Sud encore, dans la vallée de l’Oued Zemzem, se dressent les ruines de Ghirza, les plus belles de toute la Tripolitaine. La ville était autrefois un centre agricole important ; on y cultivait les céréales, la vigne, les arbres fruitiers. Les scènes de moisson, de vendange, de cueillette représentées sur les bas-reliefs de ses mausolées, ne sauraient permettre aucun doute à cet égard. Mais, répétons-le, cette exploitation agricole était limitée aux vallées des oueds et à leur voisinage immédiat ; sur le plateau lui-même, les Romains n’ont laissé aucune trace sérieuse de leur passage.

L’agriculture n’était pas tout en Tripolitaine. Il y avait une autre source de richesses, à laquelle Phéniciens et Carthaginois s’étaient autrefois montrés particulièrement sensibles, le commerce. Or de tout temps, la région tripolitaine a tenu dans le développement commercial de l’Afrique du Nord une place fort importante. C’est le point où la Méditerranée pénètre le plus profondément au sein des terres, où le cœur du continent africain est le plus immédiatement accessible. Les villes de la côte, Leptis, Oea, Sabrata devinrent les débouchés naturels de l’intérieur, les ports d’embarquement désignés pour les produits de l’Afrique centrale, l’ivoire, les plumes d’autruche, la poudre d’or, et une marchandise particulièrement précieuse dans l’antiquité, les esclaves. Les oasis, gîtes d’étapes sur la route des caravanes, durent également aux progrès du commerce leur importance et leur prospérité.

Dans la mise en valeur du monde ancien par Rome, les routes ont joué partout un rôle capital. Du Rhin à l’Euphrate, du Danube au désert, c’est grâce à elles que la vie commerciale a pris un essor nouveau et que la civilisation gréco-latine a pu atteindre les confins les plus lointains de l’Empire. Mais, si l’idée a partout été la même, l’exécution s’est faite sous une forme très variable. Les Romains, — et là était une de leurs grandes forces, — ne se sont jamais piqués d’esprit systématique. Les conditions naturelles et les besoins économiques variaient selon les provinces ; le réseau routier ne pouvait être conçu d’une