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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/445

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pleine de péripéties, fertile en reviremens, abondante en coups de théâtre, et où on ne s’ennuie pas une minute. Elle nous transporte dans le monde cosmopolite, qui n’offre aucune garantie aux familles, mais qui est très recommandé aux dramaturges, car l’aventure s’y épanouit comme dans une terre d’élection. C’est à Rome que René de Thierrache, jeune diplomate français, a rencontré le comte de Dasetta, hongrois, et sa femme, Marina, qui est Slave. Il a joué avec le mari et il a perdu. Il a flirté avec la femme, et à ce jeu-là aussi il a perdu, car il est devenu éperdument amoureux de la belle étrangère. Il abandonne une jeune fille, Jeannine, à laquelle tout le monde et lui-même le fiançait, pour se consacrer exclusivement à sa coupable et dangereuse passion. Nous sommes très inquiets, parce que le couple Dasetta-Marina est en effet très inquiétant. La femme est trop richement parée, le mari est trop heureux au jeu ; ils semblent d’ailleurs fort amoureux l’un de l’autre. Le jeune René de Thierrache nous a tout l’air d’un bon jeune homme. Que va-t-il faire dans cette galère ? Nous pressentons des orages et du drame.

L’orage éclate au second acte où le drame est lancé à toute allure. René est devenu l’amant de la comtesse et celle-ci tendrement le supplie de ne plus jouer. Pourquoi ? Une conversation entre Dasetta et sa femme va nous l’expliquer, en précisant ce que déjà nous soupçonnions véhémentement. Marina déclare à son mari qu’elle ne veut plus faire l’affreux métier auquel jusque-là elle s’est prêtée. Mais lui, très justement, lui rétorque qu’il n’y a pas à choisir, et que dans l’état où sont leurs finances et avec le train qu’ils mènent, le jeu et ses ressources sont une nécessité. Se peut-il d’ailleurs qu’elle lui reproche ce « moyen d’existence ? » C’est par amour pour elle, et pour subvenir à ses besoins de jouissance, qu’il s’est mis à tricher. Du reste, à l’époque où nous sommes, tricher n’a rien du tout qui déshonore. Les temps héroïques sont passés ; les hasards du jeu remplacent les hasards de la guerre : c’est encore une façon de vivre dangereusement. Chaque société a les chevaliers qu’elle mérite : les nôtres sont des chevaliers d’industrie. Nous voilà renseignés : Dasetta est Hongrois, Marina est Slave, — et cela fait deux grecs. Ils ont dupé un Français ; nous les voyons, sous nos yeux, plumer un Américain : toutes les nationalités y passeront. Mais René, lui aussi, les a vus ; il a vu le couple dans l’exercice de ses fonctions ; il a vu Marina dans son rôle de tricheuse. Être un bon jeune homme, avoir tout sacrifié à l’amour d’une femme et s’apercevoir que cette femme est la complice d’un escroc, quel coup de massue ! Resté seul avec Marina,