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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/448

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Mais nous savons bien qu’elle pardonnera. D’abord, parce qu’elle aime son mari ; ensuite, parce qu’il n’y a pas entre eux d’irréparable, parce que le mari n’est allé qu’au bord de la faute et qu’il est sincèrement repentant. Quitte pour la peur ! Cela nous fait bien plaisir, car cette Georgette est une femme très comme il faut. Elle parle un peu trop de sa chambre à coucher : elle en parle à la fin du premier acte, elle en parle à la fin du quatrième acte. Elle est censée n’en parler qu’à son mari ; mais nous sommes là et nous l’entendons. Légère faute de goût chez une femme qui ne sait que son amour. Et nous lui souhaiterions un mari moins piteux que ce Lemeunier, si dépourvu d’excuses, si gêné, si embarrassé dans son rôle de collégien qui s’est laissé pincer ; mais puisqu’elle l’aime comme ça !

Un grand attrait de cette reprise a été l’interprétation du rôle de Georgette Lemeunier par Mlle Valpreux, une débutante, qui vient d’obtenir son prix au Conservatoime et qui n’avait encore joué sur aucune scène. Elle a obtenu un succès du meilleur aloi, dû aux qualités les plus sérieuses et les plus rares. Le public l’a adoptée d’emblée. C’est une jeune fille brune, de figure agréable, de physionomie intelligente et surtout d’une parfaite distinction. Elle dit juste : elle a de l’émotion, et dans l’émotion de la vérité, sans aucune recherche de l’effet. Elle a plu par la simplicité et le naturel. Paraissant pour la première fois devant le public, et à la Comédie-Française, et dans une création si importante, elle était très émue : on le serait à moins. Elle n’est pas encore en possession de tous ses moyens ; elle n’a pas encore la liberté de jeu qu’un peu d’expérience lui fera sans doute acquérir. Elle pourra rendre à la Comédie les plus signalés services. C’est une charmante espérance qui se lève. M. Garry est rentré au bercail : il a joué convenablement le rôle du mari. La belle Mme Robinne (Madame Sourette) est tout à fait incessu patuit ; elle est encore, et par surcroit, habile comédienne. Mlle Bovy, en caraco, jupe étriquée et casque Directoire avec jugulaire sous le menton, a remporté un joli succès de fantaisie excentrique ; toute la salle a éclaté de rire : il paraît que c’est la mode de demain !


RENÉ DOUMIC.