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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/551

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c’est moi que la loi somme de répondre à la justice inévitable, inflexible !... Et toi, Saint-Just, tu répondras à la postérité de la diffamation, lancée contre le meilleur ami du peuple, contre son plus ardent défenseur !... En parcourant cette liste d’horreurs, je sens toute mon existence frémir ! »

Le président l’interrompit encore : il « manquait à la représentation nationale, au tribunal et au peuple souverain. » Il semble que c’est à ce moment que le tribun s’écria : « Quoi qu’on dise, notre gloire est certaine ; nous irons à l’échafaud, mais le peuple déchirera nos ennemis par lambeaux quand nous ne serons plus. » A quoi, s’il faut en croire Pantin, Herman aurait riposté « que les accusés injuriaient le tribunal en annonçant qu’ils étaient sûrs de la mort, que c’était là se méfier de la justice !... »

« Je vais donc, reprit Danton avec plus de calme, descendre à ma justification. Je vais suivre le plan adopté par Saint-Just. Moi vendu à Mirabeau, à d’Orléans ! Qu’ils paraissent, ceux qui ont connu ce marché ! Combien m’a-t-on acheté ? Moi le partisan des royalistes et de la royauté ! A-t-on oublié que j’ai été nommé administrateur contradictoirement avec tous les contre-révolutionnaires qui m’exécraient ? Des intelligences de la part de Mirabeau ? Mais tout le monde sait que j’ai combattu Mirabeau, que j’ai contrarié tous ses projets, toutes les fois que je les ai crus funestes à la liberté... » Et il donna quelques détails.

« J’ai toute la plénitude de ma tête lorsque je provoque mes accusateurs, lorsque je demande à me mesurer avec eux ! Qu’on me les produise et je les replonge dans le néant dont ils n’auraient jamais dû sortir !... Vils imposteurs, paraissez et je vais vous arracher le masque qui vous dérobe à la vindicte publique ! »

Est-ce à ce moment qu’éclatèrent les applaudissemens dont parlera le greffier Fabricius Paris ? En tout cas, le président de nouveau s’alarma : « Ce n’est pas, dit-il, par des sorties indécentes contre vos accusateurs que vous parviendrez à convaincre le jury de votre innocence. Parlez-lui un langage qu’il puisse entendre, mais n’oubliez pas que ceux qui vous accusent jouissent de l’estime publique et n’ont rien fait qui puisse leur enlever ce témoignage précieux ! »

« — Un accusé comme moi, riposta-t-il, répond devant le jury, mais ne lui parle pas ; je me défends et ne calomnie pas ! Jamais