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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/577

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eût été fort coûteuse et la possession, en temps de guerre avec nous, des plus précaires. Ils ne l’ont pas eu. Les Açores, si précieuses, Punta Delgada de San Miguel, en particulier, appartiennent au Portugal, autant dire à l’Angleterre, encore ; et il est probable que celle-ci a déjà pris, d’accord avec Lisbonne, ses dispositions pour que des points si bien placés au milieu de l’Atlantique Nord ne tombent pas en des mains ennemies, aussitôt les hostilités commencées.

Mais il en est d’autres qui, pour être situés plus au Nord et dans le voisinage du cercle polaire, n’en présentent pas moins un grand intérêt, justement parce que certains faisceaux de routes de navigation, — et non des moins fréquentés par les convois de ravitaillement anglais, — s’infléchissent vers le Septentrion pour courir sur l’arc de grand cercle, le plus court chemin d’un point à un autre sur un sphéroïde comme la Terre. Tels la pointe Sud du Groenland avec Julian’s haab (62° de lat. Nord), Reikiavig d’Islande (64°), enfin les Fœroë qui, à peu près à égale distance de l’Islande et de l’Ecosse, commandent, en même temps que le Canal du Nord, les débouchés de Glasgow, de Belfast, de Liverpool, sans parler des communications des ports du Nord-Est de la Grande-Bretagne (Aberdeen, Leith, Berwick, Newcastle, etc.) avec l’Atlantique par le détroit de Pentland, par les canaux des Orcades et des Shetland.

Groenland, Islande, Fœroë appartiennent au Danemark, et cette circonstance sert parfaitement les intérêts de l’Allemagne. Que le petit royaume, si étroitement emprisonné aujourd’hui dans les serres de l’Aigle noir, puisse, en effet, rester neutre dans le conflit qui mettra aux prises toutes les puissances européennes, c’est ce que personne ne croira. A supposer que son formidable voisin ne mette pas la main, par un coup de surprise coïncidant avec la déclaration de guerre, sur Copenhague et sur les ressources de la monarchie danoise, à supposer même que des accords dans ce sens ne soient point déjà conclus, — comme beaucoup de gens le croient, — entre les deux Cabinets, il faudra bien, de toute façon, que le Danemark prenne parti soit pour la « Triplice, » soit pour la Triple Entente. Or, qu’il soit ami ou ennemi, l’utilisation de ses possessions de l’Atlantique Nord n’en est pas moins possible, aisée même pour l’Allemagne, puisque, aussi bien, ces possessions sont dépourvues de toutes défenses.