Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/655

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Le 29 juillet/8 aoust.

« J’ai appris à mon réveil qu’il se donnoit une affreuse bataille et que vous en estes. Aussi jugez de ma douleur. Elle a paru à tout le monde et il m’a été impossible de la cacher. Je suis dans une inquiétude et une agitation inconcevables et je ne serai en repos que je ne vous sache hors de tout danger. L’estat où je suis est digne de pitié ; il me semble qu’il ne se tire pas un coup qu’il n’aille à vous et que vous devez essuyer seul tout le hasard de cette affaire. Grand Dieu, s’il vous arrivoit quelque accident, que deviendrois-je ? Je ne serois pas maistresse de mon transport et je partirois pour vous aller rendre tous les soins qui vous seroient nécessaires et pour ne vous quitter jamais ; mais on ne peut sentir rien de si douloureux que ce que je sens. Je sais que vous avez été dans un danger le plus grand du monde et je ne sais point encore comment vous vous portez, c’est pour en mourir, et je suis dans une affliction que rien ne peut égaler. Je vous conjure de ne m’exposer plus à l’avenir à de semblables inquiétudes ; ne me quittez plus, je vous en conjure, et s’il est vrai que vous m’aimez, faites-vous un plaisir de passer vostre vie avec moi et faisons-nous un bonheur que rien ne puisse troubler. Je n’ai pas la force de vous en dire davantage et je suis si hors de moi-mesme que je ne sais ce que je vous escris. Vous m’avez déjà cousté bien des larmes depuis vostre départ et je prévois qu’elles ne finiront qu’à vostre retour, car vous allez estre exposé tout le reste de la campagne. Que je hais le roi Guillaume qui est cause de tout cela, il me donne des douleurs mortelles en exposant tout ce que j’adore. Adieu, encore une fois, conservez-vous, je vous en conjure, ma vie est attachée à la vostre et je ne veux pas vivre un moment sans vous. »


Le 30 juilIet/9 aoust.

« Il faut avouer que je suis bien malheureuse, à peine suis-je tranquille sur vostre fidélité, que je me trouve dans des alarmes mortelles pour vostre vie. Je n’ai pas fermé l’œil de toute la nuit, et si vous saviez tout ce que j’ai souffert depuis avant hier, je vous ferois pitié. Je n’ai pas de peine à faire croire que je suis malade ; je suis si abattue et si mélancolique, que tout le monde me plaint ; aussi suis-je à plaindre, car tout