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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/696

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elle s’en désole ; et elle envie la violente Hermione, que Pyrrhus a trahie et qui assassina Pyrrhus et qui se tua sur le corps du perfide. Alors, elle prend la décision d’être amoureuse. Un jeune soldat sans fortune, joli garçon nommé Arsace, la tente assez bien ; seulement, elle ne le tente guère : le gaillard ne dissimule pas beaucoup la prédilection qu’il a pour des jeunesses. Hélène pleure et endommage ainsi le fard indispensable de ses joues. Elle se promène, déçue, dans les prairies qui bordent le jardin du roi. Elle remarque un jeune berger, d’abord timide, et un peu moins timide vers le soir. « Par une tiède nuit d’été, le petit pâtre, amoureux enfin, et plus hardi que de coutume, tenta de prendre Hélène dans ses bras. « Non, non ! » dit-elle, et elle évita l’étreinte. « Pourquoi ? — Cela n’est pas bien. « Il la supplie ; il insiste ; elle fuit... » Le petit pâtre la poursuit. S’il l’atteint et s’enhardit encore, s’il lui enlève son chapeau et la décoiffe, il verra qu’elle n’est pas une fillette. Il court mieux qu’elle et il est vif. Elle tire un poignard de sa ceinture et le plonge dans le cœur de l’enfant qui ne saura pas qu’elle était moins belle.

Et nous participons à la volonté singulière d’Hélène, à sa violence. Même si sa coquetterie nous fait sourire, nous lui sommes reconnaissans d’avoir préservé son idéale image Homère ne nous l’a pas montrée, Hélène, moins belle qu’au temps où elle fut le plus belle. A présent, nous avons un peu plus de perversité, quitte à en souffrir ; mais, si l’un de nos contemporains, plus audacieux qu’Homère, a imaginé un instant la vieillesse d’Hélène, il a eu peur de son audace et a vite caché les menues rides qui ont dû rendre moins parfait, un jour, le visage adorable.

Pénélope est une chaste épouse. Aux prétendans, elle n’a rien accordé. M. Jules Lemaître propose que, du moins, elle ait distingué Aristonoos qui, tout en buvant bien, ne s’enivrait pas et qui chantait en s’accompagnant sur la lyre. Va-t-elle céder aux séductions d’Aristonoos et à son empressement ? Non ; et M. Jules Lemaître ne profanera certainement pas le symbole de la vertu conjugale. Mais Pénélope désormais se dépêche à sa broderie. Liodès, l’un des prétendans et qui n’a pas d’avenir, souhaite que la situation se prolonge ; et, par Mélantho la servante, le travail du jour est défait chaque nuit. Pénélope croit que les dieux l’avertissent de n’être pas frivole. Ensuite elle surprend Mélantho et la gronde... « C’est alors qu’Ulysse revint... » Ulysse a beaucoup d’énergie : il tue les prétendans et Aristonoos comme les autres. Pénélope en est informée. Si elle a du chagrin, personne ne s’en doute ; car elle est la prudente Pénélope : elle est une