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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/849

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Triomphe peu flatteur pour la Platen, si l’on s’en rapporte à l’aveu désolé de Konigsmarck à la princesse : « J’ai péché contre notre amour pour obéir à vos ordres. »

D’un autre côté, Ernest-Auguste et son fils, fascinés par la perspective du bonnet électoral, relâchaient leur surveillance autour de Sophie-Dorothée et de Konigsmarck qui, semblables, en ce moment, aux enfans qu’on abandonne à eux-mêmes dans une maison trop occupée, vivaient leurs derniers jours de bonheur.

Ernest-Auguste approchait du but ; afin de hâter ses affaires, il résolut de se rendre à Berlin avec son fils et la princesse. Il n’est plus, pour cette dernière, qu’un seul moyen de modifier ce projet : sans hésiter, elle tombe malade et se laisse héroïquement masser par La Rose, le complaisant ou peu clairvoyant médecin de la Cour : « Pauvre enfant, que ne souffrez-vous point, écrit Konigsmarck, suer, se faire frotter sans avoir de mal, c’en est trop ! » Et sans tarder, il demande à son amie l’occasion de lui prouver sa reconnaissance.

Mais voici Hanovre en liesse : Ernest-Auguste revient triomphalement de Berlin avec le bonnet d’Electeur ; les fêtes se succèdent à la Cour, et Sophie-Dorothée ne peut se dispenser d’y assister.

Les fêtes finies, la guerre recommence. Le Prince Electoral part pour l’armée de Flandre, laissant sa femme sous la garde, plus vigilante que jamais, de l’Electeur et de l’Electrice.

Les temps deviennent durs au pauvre amoureux partagé entre ses entreprises, souvent déçues, pour approcher la princesse, et ses soucis financiers. Il ne lui faut plus compter sur la faveur de l’Electeur ; le roi de Suède, brouillé avec les princes de Brunswick, fait entendre à Konigsmarck que ses terres seront confisquées s’il reste à Hanovre. Ces embarras n’empêchent pas les prodigalités du Suédois qui semble vouloir les faire plus extravagantes encore : il joue gros jeu, s’endette ; bref, il est forcé de partir à Hambourg pour essayer de mettre quelque ordre dans ses affaires. Il y reçut de Sophie-Dorothée la lettre qui suit, après laquelle il y aura dans sa correspondance une lacune de cinq mois. Il est probable que l’on ne confia pas à Aurore les lettres écrites par la princesse pendant cet intervalle, et que ce furent ces dernières qui, saisies chez Konigsmarck après sa mort, figurèrent au procès.