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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/869

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aussi sensible que vous le dites : à la seule pensée que je peux changer, quoi, tout vostre sang se remue et vous estes si agite que vous ne pouvez poursuivre ! Cet endroit me charme, il me paroist si tendre et si naturel que ma passion en redouble. Je l’ay relu vingt fois et je ne peux m’en lasser.

« Je ne crois pas que dans le monde il y ait rien de si charmant que vous : vous prévenez les désirs, vous allez au-devant de tout ce que l’on peut souhaiter, que faut-il faire pour vous tesmoigner combien j’y suis sensible ? Rien ne me paroistra difficile quand il s’agira de vous faire voir jusqu’où va ma passion ; mais, cependant, quoique j’aye une joye sensible de ce que vous venez de faire pour moy, je suis touchée jusqu’au cœur d’estre cause que vous refusez une infinité d’avantages considérables. Je ne m’en consolerai point que je ne puisse réparer tout ce que vous perdez pour moi. Quel sera mon bonheur si j’y parviens jamais !...

« Je trouve en vous de quoi contenter tous mes désirs, mon ambition est bornée à vous plaire et à me conserver vostre cœur. Il me tient lieu de tous les empires, et tout l’Univers ne me consoleroit pas de sa perte. »


A ce moment, c’est Sophie-Dorothée, elle-même, qui, dénombrant les incessantes preuves d’amour qu’elle a reçues de Konigsmarck, sauve la mémoire de son amant.


« Mercredi (12/22 juillet).

«... Mon père a parlé l’autre jour à table de vous avec amitié ; il a dit que, depuis que vous estiez au monde, vous aviez esté parfaitement joli ; je l’en ayme davantage de vous rendre cette justice, mais il est impossible de ne pas le faire, et il ne faut que des yeux pour voir que vous estes l’homme du monde le plus aymable. Si vous saviez combien je suis glorieuse d’avoir un amant comme vous, j’estime plus ma conquête que celle de tout l’Univers ; qu’elle m’est chère ! Je ne songe qu’à me la conserver, et je prendrai tant de soins pour cela, que je me flatte qu’elle ne m’échappera point. Grand Dieu, si vous m’échappiez, que devenir ! Je ne voudrois pas survivre un moment à ma perte, et que pourrois-je trouver dans le monde qui pût la réparer ? Je compte tout pour rien : vous m’estes toute