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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/874

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de cochons, il en fera le plus beau jardin de fleurs d’Italie.

« Je m’en vais dormir, aussi bien est-il déjà deux heures après minouit (sic) ; si je continue, je vous dirai des duretés que je serai fâché de dire à une dame. »


Pour prouver à la princesse que, nuit et jour, elle occupait sa pensée, il lui raconte un rêve, vision prophétique du drame qui bientôt terminera leurs amours :


« Hanno(vre), le 21e (juillet).

«... J’espère pas qu’il m’arrivera ce que j’ai songé la nuit passée, car j’ai eu la tête coupée parce que l’on m’avoit surpris avec vous... et j’ai souffert plus qu’une âme qui est au purgatoire, ma plus grande peine étoit ce que vous étiez devenue. Mes juges étoient le Prince et le Bonhomme ; je ne voudrois pas passer une pareille nuit pour toute chose au monde ; en m’éveillant, j’étois tout en eau, et mon valet de chambre me dit que j’ai crié tout haut d’une voix pleurante : « Où est-elle, où est-elle ? » Je n’ai pas craint la mort, mais ma plus grande peine a été celle de ne plus pouvoir rien savoir de vous, ni de ce que vous étiez devenue ; l’on voit, dans ces sortes de rencontres, combien l’on aime les gens... »


La princesse réplique aussitôt :


« Votre songe me fait trembler. Rien n’est si obligeant de n’avoir songé qu’à moi dans le péril où vous estiez. Soyez persuadé que je n’en ferois pas moins toute éveillée et que je ne serois occupée que de vous. Dieu nous préserve de pareilles extrémités ! »


Dorothée revient à Hanovre dans le même temps que Konigsmarck reçoit l’ordre de rejoindre son régiment. Il doit partir la nuit même, et la princesse se désespère :


« Lundi (30 juillet/9 août).

«... Je suis accablée de tant de douleurs ; vous partez, je ne vous verrai de longtemps ; je me trouve dans un estat si cruel que je me souhaiste la mort dans ce moment. Je n’ai point dormy, j’ai un battement de cœur effroyable, et je suis si touchée de ne vous avoir point veu, que j’en suis hors de moi.