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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/881

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Souvent même, dans ses cheveux châtains étincelaient des diamans. Toujours elle semblait s’apprêter pour quelque surnaturelle visite : derrière les murs de sa prison, n’entendrait-elle pas monter dans la nuit l’ancien signal, l’air des Folies d’Espagne ?

Puis, inlassable, elle écrivait : quoi, et à qui ? Combien de lettres, de plaintes, de cris de tendresse, plus beaux peut-être que ceux de jadis, allèrent vers un fantôme ?

Peut-être aussi lui rappelait-elle son serment : « Si l’on peut aimer après être hors du monde, soyez persuadée que toutes les beautés de l’autre monde ne m’ébranleront pas. »

Tout semble avoir été détruit, le nom de Sophie-Dorothée a été effacé à la Cour de Hanovre, rayé de tous les actes officiels, retranché même des prières liturgiques.

Un silence de deux siècles a passé sur ces tragiques amours, les dépouillant de ce qui en pouvait amoindrir la beauté. Dans son mystérieux travail, le temps n’a apporté jusqu’à nous que le seul parfum de deux passions payées de tant de larmes et de sang qu’elles en sont, en quelque sorte, purifiées.

« C’est ma destinée d’estre à vous, — écrit Sophie-Dorothée à Konigsmarck, — et je suis née pour vous aimer. » Lui répond : « Le papillon qui brûle à la chandelle sera mon sort, je ne puis éviter mon destin. »

Dans ces seuls mots tient toute leur histoire. Mais pourquoi la pitié est-elle allée sur l’un et toutes les sévérités sur l’autre ? Pourquoi séparer, comme de parti pris, leur souvenir ?

La tendre mémoire de Sophie-Dorothée protège celle de l’amant dont elle se proclamait « glorieuse. »


G-DU BOSCQ DE BEAUMONT — M. BERNOS.