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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/923

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par exemple à Fieschi quel journal il lisait de préférence. Fieschi, sans hésiter, lui nomma le Journal des Débats, le Constitutionnel et quelquefois le Courrier français. Le procureur du Roi, se trouvant en défaut de ce côté, lui demanda quels étaient les livres et ouvrages qui lui faisaient le plus de plaisir.

« Je sais le latin, répliqua Fieschi, et j’étudiais Cicéron avec passion, j’y revenais sans cesse ; en italien je ne lisais que Métastase. Pour ce qui concerne la littérature française, elle me déplait. Parmi tous les ouvrages que j’ai lus dans cette langue, je ne pourrais pas en citer un seul qui m’ait fait plaisir. »

Ces jours derniers, il a fait venir chez lui le duc Decazes et le baron Pasquier ; ce dernier présidait la Chambre des pairs au moment où lui arriva l’appel de Fieschi ; il n’hésita pas à lever la séance pour raisons de communications très importantes relatives au procès de l’attentat du 28. Le président et le grand référendaire de la Chambre des pairs arrivèrent au chevet de Fieschi, tout préoccupés d’avance des révélations graves qu’ils entendraient de la bouche du criminel. Mais quelle ne fut pas leur surprise, lorsqu’il leur parla de choses sans rapports avec son affaire ; ils l’écoutèrent pourtant, espérant toujours le ramener au sujet qui les intéressait, mais ils n’y sont pas parvenus.

Dans un de ses interrogatoires, Fieschi a dit :

— Si le méchant brandon que j’utilisais m’avait mieux servi, le Roi et les princes auraient certainement été atteints ; mais comme, au moment où j’allais mettre le feu à la machine, il y avait de la cendre sur le brandon, j’ai été obligé de donner deux à trois coups contre un meuble pour la secouer. Cette seconde de retard a sauvé le Roi et les princes. Maintenant que leur mort ne me serait plus d’aucune utilité, je suis charmé que rien ne leur soit arrivé. Avant de mourir, je leur dirai des choses qui les étonneront et dont ils pourront faire leur profit.

— Mais, lui a observé le procureur général, votre procès peut durer longtemps et, pendant ce temps, vous exposez, par votre silence, la vie du Roi et des princes ainsi que la sécurité de l’État.

— Ne craignez rien, messieurs, répondit-il avec un sourire de satisfaction, il faudrait aux conspirateurs, pour agir, un homme comme moi ; ils n’en trouveront pas un second, je vous en réponds.

Les cérémonies funèbres ont été d’une longueur terrible