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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/936

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est Croquemitaine lui-même. M. Leroy joue avec jeunesse le rôle d’un jeune homme. Mlle Lara a la grâce larmoyante qui convient au personnage de Mlle Henriette.


Après la pièce massive de M. Gaston Devore, la Comédie-Française nous en a donné une de M. Sacha Guitry, toute mince, toute légère, un acte, un petit acte, un rien, et ce rien est charmant, et il se trouve que, bâti sur une donnée analogue à celle de l’Envolée, il en dit en quelques scènes plus que M. Gaston Devore en ses trois actes. Car dans Deux Couverts aussi il s’agit d’un père et d’un fils qui n’ont pas sur la philosophie de l’existence les mêmes idées. Le dissentiment qui les divise ne porte encore que sur la question du baccalauréat, mais c’est que le gamin a quinze ans. Donc le brave homme de père s’est rendu libre pour la soirée, a congédié une jeune personne aimable et curieuse, a fait préparer en surprise un dîner fin et mettre deux couverts. Il attend Jacques, comme on attend Jacques, avec un peu d’impatience et de nervosité, surtout le jour où Jacques passe son baccalauréat. Enfin Jacques arrive : il est recalé ! « Eh bien ! mon petit, c’est fâcheux, c’est très fâcheux ; mais il ne faut pas te démonter pour cela : tu repasseras en novembre. » Repasser, c’est justement ce à quoi se refuse avec énergie ce jeune cancre. Dans un court dialogue avec son père, — avec ce père veuf qui ne vit que pour lui et deux fois a refusé de se remarier, une fois parce que l’enfant était trop petit, une fois parce qu’il était trop grand, — il laisse voir le fond de son âme, qui est tout pareil à la surface, le dedans et le dehors n’étant qu’égoïsme. Finalement : « Papa, il faut que je te quitte : j’ai promis à un camarade de dîner avec lui. » Il s’en va. Et le père, effondré comme celui de l’Envolée, s’assied seul devant les deux couverts... Nous songeons à beaucoup de choses : telle est la force du vrai. Avec l’Envolée, nous étions dans la convention : avec Deux Couverts, nous rentrons dans la vie. Nous goûtons le charme de la simplicité et de l’émotion contenue.

Cette petite pièce est jouée à ravir, avec un naturel, une délicatesse, une sûreté de goût parfaite, par M. de Féraudy et Mlle Cerny.


Dans la pièce de M. Sacha Guitry, il y a un enfant et c’est un petit monstre d’égoïsme ; dans la Victime de MM. Vandérem et Franc-Nohain, il y a deux enfans et ce sont deux monstres d’égoïsme. Les enfans ont une mauvaise presse dans le théâtre d’aujourd’hui ; le théâtre d’hier en faisait des trésors de sensibilité : ainsi une convention chasse l’autre. Le roman de M. Vandérem d’où les auteurs de la