Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 21.djvu/111

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus grand ; dans deux mille ans, on parlera encore de Fieschi, l’assassin, le régicide. Le monde m’écoute en ce moment, je sais que ma tête doit tomber. Ni vous, messieurs les pairs, ni le Roi, personne enfin ne saurait sauver Fieschi : je ne le désire pas. Il faut une victime à la loi, la voici, c’est moi seul et je viens mendier la grâce de mes complices. »

Tout en disant cela, il n’oublie rien pour les inculper et rendre leur grâce impossible.


14 février. — Cette pauvre Mme de Rumford[1] vient de mourir à l’âge de quatre-vingt-trois ans, pendant qu’elle était à sa toilette. Sa nièce, la comtesse de Gramont, entrait dans la chambre pour prendre de ses nouvelles au moment même où elle venait d’expirer dans les bras de sa femme de chambre.

Mme de Gramont est la fille d’un frère de Mme de Rumford ; elle a été élevée par sa tante et mariée à M. de Gramont-Cade-rousse, grâce à la grande fortune qu’elle lui assurait. Mme de Gramont m’en a souvent parlé, toujours dans les termes d’une très vive reconnaissance. Elle n’oublie pas qu’elle doit à sa tante toute son existence et le bonheur d’être la femme d’un jeune homme qu’elle aime de tout son cœur et qui possède, avec un beau nom, une assez jolie fortune.

Mais, tout en reconnaissant les bontés de sa tante pour elle, en ne négligeant rien pour lui prouver sa tendresse filiale par une déférence sans borne, elle a fini cependant par être traitée assez froidement. C’est que Mme de Rumford était très difficile à vivre, fort exigeante et capricieuse, sans douceur ni bonté. Un caractère aussi bizarre que le sien devait amener et amenait souvent de la brouille avec son gendre, qui prenait fait et cause pour sa femme ; il fallait toute l’influence si pleine de charme de celle-ci pour le raccommoder avec Mme de Rumford. Une semblable brouille existait au moment où la mort est venue surprendre Mme de Rumford, c’est ce qui fit que Mme de Gramont arriva chez elle sans être accompagnée de son mari. À l’aspect de la défunte, elle perdit l’usage de ses sens. On appela M. de Gramont, il arriva accompagné de son père, le duc de Gade-rousse et de son notaire, qui devait être présent à la mise des scellés.

  1. Veuve de l’illustre Lavoisier, elle s’était remariée avec le comte de Rumford.