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Pour parvenir à cet heureux résultat, pour prouver à la nation française que le système du gouvernement de Juillet est non seulement toléré en Europe comme un fait qu’on est obligé de subir, comme une malheureuse nécessité, mais qu’il est approuvé par les gouvernemens étrangers et qu’il convient aux souverains qui y trouvent une garantie de paix générale et du maintien du statu quo en Europe, pour prouver cela, il faut un témoignage plus éclatant que de simples paroles et des assurances que tous les partis peuvent interpréter à leur manière.

Ce témoignage consisterait dans un mariage, contracté entre une des princesses de grandes cours et Mgr le Duc d’Orléans. Le mariage est en ce moment l’idée centrale autour de laquelle tourne toute la politique de Louis-Philippe. Le Roi n’ose pas encore prononcer ce grand mot vis-à-vis des ambassadeurs, mais il ne manque pas une occasion pour le leur faire insinuer indirectement. Plusieurs femmes, amies du Duc d’Orléans et avec lesquelles je me trouve aussi lié, m’en entretiennent et me demandent si je crois que le moment est arrivé d’en parler ouvertement. Moi qui en ai horreur, je dis toujours non, leur conseillant d’attendre un moment plus propice. J’espère qu’en attendant, notre archiduchesse Thérèse sera mariée et que le Duc d’Orléans ne voudra pas de la fille de l’archiduc palatin, qu’on sait être fort laide et que, pour cette raison, on désire moins que la fille de l’archiduc Charles.

Les conversations de Mme de Liéven et du prince de Talleyrand roulent donc principalement sur ce sujet. Mme de Liéven conçoit toutes les difficultés qui s’opposent à un semblable projet ; néanmoins, elle fait entrevoir au prince qu’une alliance de ce genre avec la Russie ne serait pas chose impossible et qu’elle se fait fort d’arranger cette affaire, au cas où l’Autriche soulèverait des difficultés.

Mme de Liéven est anti-autrichienne autant que possible, et ce à quoi elle travaille de toutes ses forces, c’est la chute de Nesselrode et de son parti qu’elle appelle le parti autrichien à Saint-Pétersbourg.

— Voyez-vous, disait-elle à M. de Talleyrand, aussi longtemps que Nesselrode sera ministre des Affaires étrangères et Tatischeff ambassadeur à Vienne, nous ne parviendrons à rien. L’Autriche exerce trop d’influence sur l’esprit de l’Empereur, et tout ce que