Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 21.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui le détenaient avaient à peine franchi la frontière, que le gouvernement fut instruit de leur pitoyable projet. M. Thiers a eu la naïveté de s’en émouvoir : on l’a entendu se lamenter, on l’a vu appeler à l’aide tous les ambassadeurs, faire jouer les télégraphes, enfin en perdre la tête de peur. Il est vrai que cet émoi n’a pas duré et qu’on a fini par rire de ce dont on s’était alarmé. Quant aux carlistes, ils en seront pour leurs frais et pour le ridicule qu’ils jettent par cette expédition sur leur parti.

L’affaire du mariage du Duc d’Orléans, bien qu’on soit ici rempli d’illusions, ne laisse pas de donner des inquiétudes aux intéressés. Qui le Duc d’Orléans épousera-t-il ? Sera-ce une de nos archiduchesses, une princesse de Russie, ou bien une des filles du roi de Wurtemberg, ou bien une autre princesse d’Allemagne ?

« Partout, dit-on, non sans raison, aux Tuileries, le prince de Metternich est tout-puissant. S’il s’oppose à ce que nous nous mariions, il n’y a point de mariage possible : c’est donc à lui, à lui seul, que nous devons nous adresser pour arriver à ce but si essentiel. »

Mais la famille royale ne peut douter que l’Autriche, avant de donner une de ses archiduchesses à l’héritier présomptif de la France, demandera quelques garanties pour l’avenir.


24 mai. — Hier, après midi et demi, nous nous sommes rendus, l’Ambassadeur, l’Ambassadrice, Rodolphe II, Jules et moi, au château des Tuileries, dans les petits appartemens de la Reine, ceux que Madame la Dauphine avait occupés autrefois. Tentures, meubles, tout est resté ainsi que cette malheureuse princesse l’a laissé. Le Roi travaillait avec M. Thiers, la Reine faisait encore sa toilette ; nous fûmes donc reçus par Madame Adélaïde. Une minute après, S. M. la Reine parut, salua tout le monde et dit à chacun de nous une petite phrase gracieuse et aimable. Nous étions déjà au grand complet. La Reine engagea les dames à s’asseoir autour de la table ronde qui se trouve au milieu du salon. Les hommes étaient debout, allant et venant dans les appartemens et faisant la conversation avec les dames assises en cercle autour de la table.

Les princes de Joinville, d’Aumale et de Montpensier étaient très agités, à cause du mauvais temps. Il avait déjà commencé à pleuvoir, au moment où nous avions quitté l’hôtel, et, loin de