Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 21.djvu/167

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rôle actif. Elle suffirait à elle seule pour réfuter ceux qui ne veulent pas reconnaître à la Constituante une part prépondérante dans la responsabilité des événemens qui vont suivre. Et cette responsabilité, elle l’a assumée sciemment, ou, tout au moins, les meneurs ont su ce qu’ils faisaient. La promulgation du décret sur le serment est du 26 décembre, fête de saint Etienne, mort lapidé. « Voilà une octave de Saint-Etienne, écrit avec satisfaction Thomas Lindet le soir même, qui pourrait bien faire pleuvoir des pierres. »


Est-il nécessaire de conclure ? Rien n’est plus délicat en histoire, surtout quand il s’agit d’événemens presque contemporains, où la complexité des faits, la multiplicité des intérêts, le choc des passions et la contradiction des témoignages commandent un redoublement de prudence. Il semble pourtant que, de l’ensemble des travaux publiés jusqu’ici sur l’histoire religieuse de la Révolution, se dégage l’impression que nous avons donnée. « L’Assemblée nationale, dit M. Louis Barthou dans son récent Mirabeau, avait commis une lourde faute en s’immisçant dans des affaires qui n’étaient pas du ressort de la puissance civile. » Cette première faute, en partie explicable par l’idée d’alors, que la religion est une affaire d’État, en entraîna une série d’autres, qui avaient pour but de légitimer la première et qui ne purent que l’aggraver. La responsabilité de la crise religieuse qui bouleversa, — et abrégea, — le cours de la Révolution, ne peut être rejetée sur l’épiscopat français, fort gallican du haut en bas, et peu enclin à sacrifier les droits de l’État à ceux du Saint-Siège. Les évêques de l’Assemblée notamment ont fait et refait tous leurs efforts pour prévenir, atténuer ou résoudre le conflit religieux, en conseillant au Pape les concessions susceptibles de donner à l’œuvre ecclésiastique de la Constituante une validité canonique. Cette œuvre même, ils en ont contesté la forme encore plus que le fond, et les ultramontains ont pu leur reprocher, non sans fondement, d’être restés jusqu’au bout plus préoccupés des libertés de l’Eglise gallicane que de l’autorité du Saint-Siège.

Quant au Pape, il a considéré dès le début la Constitution civile comme détestable dans son esprit aussi bien que dans ses modalités. Et il faut bien croire qu’il ne pouvait guère la juger