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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 21.djvu/211

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dessus et loin des textes. » Sans doute ! et le mot littérature a, en effet, un mauvais sens. Il a aussi un bon sens : et les érudits se méfient par trop de la littérature ; quelle moue sévère indique leur mépris !… La littérature, au bon sens du mot, devait engager notre auteur à écrire, touchant les épîtres d’Horace, un livre qui eût un peu l’agrément, sinon la frivolité de ces épîtres, leur gentillesse, leur esprit. Et, sur Quintilien, par exemple, on n’écrirait pas un livre plus grave, austère, moins souriant que celui-ci.

M. Courbaud, du reste, a beaucoup de talent : et veuille la Sorbonne souffrir la futilité de cet éloge !… Il veille à ses phrases, les fait bien, sait les varier, les nuancer. Peut-être abuse-t-il des nuances ; et les couleurs s’embrouillent un peu. Il n’a guère d’abandon ; mais il est toujours distingué. Il a perpétuellement le souci de n’exagérer point son ilée, et de ne pas la diminuer, et de la présenter munie de tout ce qui la détermine : cela retarde son élan. Puis il manque de concision dans le style et, déjà, dans la pensée : voilà son tort. Et l’on relèverait, de place en place, quelques peccadilles. S’il dit : « Horace était parti à la campagne » et voit « deux alternatives » quand il n’y en a qu’une, mon Dieu, qui n’a jamais péché lui jettera la pierre. Quelquefois, il tatillonne ; mais souvent il a de très jolies pages… « Cette fin de la vie d’Horace, soit à Rome, au milieu d’amitiés délicates et parmi des jeunes gens qui lui sont attachés, soit à la campagne, dans une retraite où il apprend à vieillir en acceptant les inconvéniens de l’âge et en modérant de plus en plus ses passions, c’est vraiment la fin d’un sage ; c’est un beau soir tranquille… » Littérature ?… Excellente !… Mais, en général, il n’ose pas ; et il retient sa verve, comme s’il se sentait épié par les érudits.

Quelques lignes, au début de sa préface, attestent bien drôlement ses appréhensions. Il a fait, avant que d’entrer en matière, des cérémonies : parler d’Horace ? et n’est-il pas téméraire ? le sujet n’est-il pas épuisé ? pourquoi y revenir ?… « Alléguer que j’ai cédé, comme tant d’autres, à l’attrait du plus charmant esprit que Rome ait connu, ce serait, aux yeux des philologues, une excuse insuffisante… » Évidemment, sous les yeux des philologues, M. Courbaud n’est pas tranquille. Et il se moque des philologues ; mais il y a, dans son ironie, et de la peur et de la déférence.

Voilà un sentiment très juste. Comment ne pas respecter les philologues ? On les a dénigrés avec une extrême violence. Les adversaires d’une Sorbonne pédantesque, si judicieux la plupart du temps, ont ici commis une faute : pourquoi ces ardens amis de l’antiquité