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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 21.djvu/409

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même château où demeurèrent Marie-Antoinette, plu6 tard Napoléon, mort à l’île de Sainte-Hélène, et Charles X, fugitif, mort en exil, et, avant Marie-Antoinette, Philippe-Egalité, père du roi des Français, mort sur l’échafaud en place de Grève, dans ce Paris que le Roi appelle : « ma bonne ville ! » Bien d’autres souvenirs encore surgissent en foule en contemplant cette effrayante cité.

Et pourtant, tout son aspect est si riant, si magnifique ! La vie qu’on y mène est facile, douce, agréable, brillante, étourdissante si l’on veut, complète en toute espèce de jouissances, riche en contrastes ; le sublime et l’abject y vont côte à côte, le vice et la vertu s’y rencontrent a la même heure ! On a autant de facilité à se ranger d’un côté que de l’autre, ou à rester entre les deux et être ce que l’on appelle vulgairement un honnête homme.

C’est ce que l’on rencontre, journellement, dans la vie d’un bourgeois de Paris qui, après avoir bien scrupuleusement vaqué à ses affaires pendant toute la semaine, compte s’amuser le dimanche, fermer sa boutique ce jour-là, et avec sa femme, ses enfans et l’ami qui est de rigueur, faire sa petite partie à la campagne en été, et au théâtre en hiver.

Je ne connais pas au monde un être plus positif, plus calculateur, plus matériel que le bourgeois de Paris ; malgré cela, il est compatissant, charitable, non par un sentiment de devoir ou de religion, car il n’admet pas l’un et ne s’occupe pas de l’autre, mais il est charitable et compatissant par bonhomie tout simplement. Il est doux et a facilement peur, ce qui fait que, par peur, il est capable de tout et, par conséquent, se rangera, à l’occasion, du côté du plus fort, soit que le plus fort lui donne plus de garantie de sécurité, soit qu’il le redoute. C’est pourquoi la Terreur s’appuyait sur la bourgeoisie de Paris tout aussi bien que le régime militaire de Napoléon, et le bourgeois de Paris n’est, pourtant, ni le cannibale de la Terreur, ni le héros de l’Empire.


4 juillet. — J’ai voulu suivre le procès deBarbès et de ses complices, traduits devant la Cour des pairs. Singulièrement pénible est l’impression que, comme tous les assistans impartiaux, j’en ai rapportée. Les avocats qui défendent ce tas d’assassins décorés du nom de détenus politiques, sont d’une arrogance inouïe envers MM. les pairs. Le baron Pasquier préside