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23 octobre. — M. Thiers a donné sa démission. Le motif ostensible est le discours du Roi, à l’occasion de l’ouverture prochaine de la Chambre des députés. M. Thiers ayant voulu insérer dans ce discours une phrase trop menaçante contre les Puissances, le Roi se serait refusé à la prononcer. Il importait à Thiers de trouver un prétexte pour motiver sa retraite dans un moment aussi critique, de se retirer comme une victime et de faire entrevoir au pays que s’il n’a pas agi avec force et vigueur vis-à-vis de l’étranger, c’est qu’il en a été empêché par le Roi.

Quoi qu’il en soit, la retraite de Thiers est un des événemens les plus graves que le gouvernement de Juillet ait eu à supporter depuis son origine, surtout étant donné sa position à l’intérieur. Les Affaires étrangères, principalement la question d’Orient, trouveront plus de facilité à se résoudre, Thiers ayant été désagréable à toutes les Puissances.


23 octobre. — Le nouvelle de la mort de lord Holland[1] vient de nous arriver ce matin. C’est encore une perte que la France fait, dans un moment où elle a besoin d’être appuyée dans le Conseil de la Reine d’Angleterre : ce ministre et lord Clarendon étaient les seuls, dans le ministère Palmerston, qui fussent favorables au gouvernement français.

Guizot doit arriver demain. Les nouvelles de Londres font prévoir que cet ambassadeur est décidé à entrer dans le ministère qui doit remplacer celui de M. Thiers. Dès lors, le nouveau ministère se trouve tout constitué, ce qui est considérable dans un moment où les Chambres sont convoquées, où tout le pays est en fermentation, où l’on attend les cendres de Napoléon, où il s’agit de la guerre ou de la paix, où enfin la France se trouve dans une position d’isolement complet, position inouïe dans les fastes de son histoire.

Les Chambres seront prorogées jusqu’au 5 novembre. Si Paris bouge, on déclarera l’état de siège. Cette mesure a été déjà proposée par Thiers, et M. Guizot ne manque certes pas du courage nécessaire pour l’exécuter.


28 octobre. — Je me suis trouvé dans le salon de la Reine

  1. Le troisième lord de ce nom, neveu de l’illustre Fox, un des membres les plus éminens du parti libéral en Angleterre et très sympathique a la France. Guizot, dans ses lettres à la princesse de Liéven, parle avec éloges du salon de lord et lady Holland.