Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 21.djvu/427

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Qu’espéraient-ils de la vie ? Qu’était la Parisienne en 1914 ? » et on se le demandera, sans doute, — ou l’humanité aurait bien changé ! — qu’est-ce que nos œuvres d’art pourront répondre ? Nous l’imaginerons aisément si nous parcourons les Salons de l’avenue d’Antin et des Champs-Elysées. Ils ont du charme : ils en auront plus encore si nous les repoussons dans le lointain où sont les choses disparues ; si nous considérons les tableaux, peints d’hier et à peine secs, comme de vieux témoins à consulter, des documens à lire. Leur témoignage sera le bienvenu, car il est tout spontané, nul des artistes réunis, ici, n’ayant songé à plaider pour ses contemporains. Parfois il sera un peu surprenant. Mais, même s’il nous surprend, il nous instruira en nous montrant l’empreinte que notre temps laisse de lui-même, à son insu, à la matière précieuse qui la garde le mieux.


I

« Il n’y a aucun doute qu’au commencement du XXe siècle, le trait caractéristique des Français fût la paix, le calme et les joies silencieuses du foyer, de la vie de famille. C’est ce qu’ils représentaient sans cesse dans leurs tableaux. S’ils ont figuré les événemens de la vie publique ou de la guerre, ces œuvres ne sont point parvenues jusqu’à nous et nous n’en trouvons pas trace dans le répertoire des grands artistes. Il est probable qu’il n’y en eut guère ou qu’on y attachait peu d’importance. De même, il semble que le machinisme fût infiniment moins répandu que quelques documens tendraient à le faire croire, — ou bien qu’il était circonscrit dans certaines régions du globe, les États-Unis d’Amérique, par exemple. En France, le train habituel de la vie, à en juger par les témoignages des meilleurs maîtres, était d’une grande simplicité, et d’un pittoresque aujourd’hui disparu. Que nous sommes loin de ces mœurs antiques ! Dans les tableaux de genre du temps, le moyen de locomotion le plus usité est la gondole, la construction la plus répandue la pergola, l’arbre le plus souvent rencontré, le cyprès. La vie s’écoulait, grave et sereine, dans les parcs aux lourds ombrages, autour de bassins somptueux, dans une oisiveté élégante… »

Voilà ce qu’on pourra fort bien écrire, un jour, si les artistes qui exposent cette année, avenue d’Antin, parviennent,